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Le synode sur la famille voulu par François s'ouvre dans une atmosphère délétère

  • Publié le 4 octobre 2015 à 10:10

Le synode sur les défis auxquels est confrontée la famille chrétienne, voulu par le pape, s'ouvre dimanche dans une atmosphère délétère, au lendemain du coming out d'un dignitaire du Vatican, accusant l'Eglise d'avoir "institutionnalisé l'homophobie".


Paradoxalement, ce sujet sera probablement peu abordé lors des débats, certains prélats ne souhaitant même pas qu'il soit à l'ordre du jour.
Un agenda que le père polonais Krysztof Olaf Charamsa a cependant quelque peu bousculé, en révélant samedi qu'il était "un gay heureux", en présentant son compagnon à la presse.
"À mon Église, je veux dire que je refuse et que je dénonce l'homophobie exacerbée et souvent paranoïaque de nos environnements religieux", a-t-il déclaré, pointant du doigt dans un "manifeste de libération" en dix points, "l'homophobie institutionnalisée de l'Eglise".
"Je demande pardon pour toutes ces années où j'ai souffert en silence devant la paranoïa, l'homophobie, la haine et le refus des homosexuels, présents au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui est le coeur de l'homophobie dans l'Eglise", a-t-il encore affirmé avec force.
Le Vatican, par la voix de son porte-parole, le père Federico Lombardi, a immédiatement condamné ce geste "très grave et irresponsable", révoquant Mgr Charamsa de ses fonctions auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont il était membre depuis 2003.
Ce prêtre polonais, âgé de 43 ans, était jusqu'à présent secrétaire adjoint d'une Commission théologique internationale auprès de cette congrégation, précisément chargé de veiller au bon respect du dogme catholique.
Le scandale pour le Vatican est d'autant plus grand qu'il intervient à la veille de l'ouverture de ce deuxième synode en deux ans sur la famille, ardemment souhaité par le pape argentin.

- "Déclaration fracassante" -

"Le choix de faire une déclaration aussi fracassante à la veille de l'ouverture du synode apparaît très grave et irresponsable parce qu'il cherche à soumettre l'assemblée synodale (des évêques) à une pression médiatique injustifiée", a souligné le père Lombardi.
Or, pour le théologien polonais, il est justement temps que "l'Eglise ouvre les yeux face aux gays croyants et comprenne que la solution qu'elle propose, à savoir l'abstinence totale et une vie sans amour, n'est pas humaine".
"Le clergé est largement homosexuel et aussi, malheureusement, homophobe jusqu'à la paranoïa car paralysé par le manque d'acceptation pour sa propre orientation sexuelle", a-t-il aussi déclaré.
Ce coming-out n'est que le point culminant d'un débat sur la place des homosexuels dans l'Eglise, qui a révélé entre tribunes, conférences et déclarations à la presse cette semaine à Rome, les profondes divisions sur ce sujet au sein de l'Eglise catholique.
"Sans vouloir offenser personne (...), l'homme n'est rien sans la femme, la femme n'est rien sans l'homme, et l'un et l'autre ne sont rien sans l'ouverture à la vie. L'homosexualité est fermée à la vie", a ainsi martelé le cardinal guinéen Robert Sarah.
Pourtant, le pape lui-même avait suscité l'espoir de la communauté gay en déclarant il y a deux ans: "Si une personne est homosexuelle et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger?"

- Doctrine rigoureuse, pratique changeante -

Mais au-delà de cette question, bien d'autres sujets divisent aussi l'Eglise, à commencer par la question cruciale des divorcés remariés. Peuvent-ils communier comme les autres fidèles, comme beaucoup le réclament, ou sont-ils condamnés à rester éternellement en dehors de ce sacrement, comme bien d'autres le soutiennent ?
Car, même si plusieurs questionnaires envoyés dans les diocèses ont révélé le gouffre entre la doctrine rigoureuse du Vatican et la pratique - souple et changeante - de beaucoup de croyants, l'Eglise peine à trouver un juste équilibre.
François a nommé à la mi-septembre les 360 participants de ce deuxième round : un savant dosage entre "conservateurs" et "libéraux" qui n'a pas exclu les plus radicaux des deux camps.
Face à ces centaines d'évêques ayant personnellement renoncé il y a des décennies à fonder une famille, seuls 18 couples auront la charge de faire entendre la voix des femmes et des laïcs.
Pour le pape argentin, la famille traditionnelle subit une crise profonde et l'Eglise doit savoir répondre aux évolutions du temps sans pour autant s'y conformer. A la fin du synode le 25 octobre, il reviendra à Jorge Bergoglio de décider seul, probablement au printemps, des inflexions à apporter ou non à la manière de vivre sa foi.
Mais il lui faudra beaucoup de doigté pour réconcilier des camps opposés, et ce synode pourrait finalement proposer quelques ouvertures pastorales sans toucher aux dogmes.




Par Anne-Laure MONDESERT - © 2015 AFP
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