Le rĂȘve de l'annexion

L'obsession ukrainienne de Vladimir Poutine

  • PubliĂ© le 24 fĂ©vrier 2022 Ă  12:51
  • ActualisĂ© le 24 fĂ©vrier 2022 Ă  14:00
Vladimir Poutine lors d'une conférence de presse à Moscou le 2 février 2017

Si proche et pourtant si lointaine. Vladimir Poutine a une obsession: faire revenir l'Ukraine dans le giron de Moscou au nom de la grandeur de la Russie et faire reculer l'Otan, quitte Ă  l'envahir.

Pour nombre de Russes de sa génération, celle qui a grandi bercée par les odes glorifiant l'URSS, la disparition de l'Union soviétique et de sa sphÚre d'influence en trois ans (1989-1991) reste une blessure.

Vladimir Poutine, alors officier du KGB en poste en Allemagne de l'Est, a vécu la défaite aux premiÚres loges. Et, a-t-il affirmé, a été contraint, comme nombre de compatriotes, d'arrondir les fins de mois en faisant le taxi clandestin à son retour en Russie.

Humiliation et indigence d'une partie de la population russe qui reste à l'écart de l'élan libératoire de la jeunesse et de l'intelligentsia contrastent alors avec le triomphalisme et la prospérité de l'Occident.

De quoi le convaincre, selon sa propre formule, que la fin de l'URSS est "la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siÚcle", pays qui a pourtant connu deux guerres mondiales.

De quoi nourrir aussi un dĂ©sir de revanche, l'Otan et l'UE s'Ă©largissant progressivement aux anciens vassaux de Moscou. Pour le prĂ©sident russe, sa mission historique est donc d'arrĂȘter cette invasion de sa zone d'influence. Au nom de la sĂ©curitĂ© de la Russie, l'Ukraine devient une ligne rouge.

- "Fusées à Moscou" -

Dans sa vision des choses, si la Russie "ne résout pas cette question de la sécurité, l'Ukraine sera dans l'Otan dans 10-15 ans", puis "les fusées de l'Otan seront à Moscou", explique Alexeï Makarkine, du Centre des technologiques politiques.

Signe de la détermination du Kremlin, aprÚs une révolution pro-occidentale en 2014 à Kiev, la Crimée ukrainienne est annexée et des séparatistes prorusses embrasent l'Est russophone de l'Ukraine.

Pour M. Poutine, son voisin a tort de se voir en victime de l'impérialisme tsariste, puis soviétique, et désormais russe. Et ses deux révolutions --2005 et 2014-- ayant chassé des élites prorusses sont le résultat de complots occidentaux.

Pour le maßtre du Kremlin, Moscou doit se montrer fort, voire terrifiant. Céder n'est pas dans la nature de ce judoka ceinture noire. "Si le combat est inévitable, il faut frapper le premier", disait-il en 2015. L'une de ses institutrices, Vera Gourevitch, affirmait qu'à 14 ans, le jeune Vladimir, ayant cassé la jambe d'un camarade, proclamait que certains "ne comprennent que la force".

L'Ukraine subit dÚs sa "Révolution orange" de 2004-2005 des "guerres du gaz" avec Moscou, qui la déstabilisent économiquement. Militairement, il y a bien sûr la Crimée et la guerre dans l'Est en 2014. Idéologiquement, il y a la négation de la nation ukrainienne.

- "ArrĂȘter le temps" -

DĂšs 2008, selon des mĂ©dias russes et amĂ©ricains, Vladimir Poutine affirme Ă  son homologue amĂ©ricain, George W. Bush, que l'Ukraine "n'est mĂȘme pas un Etat". En dĂ©cembre, il proclame lors de sa confĂ©rence de presse annuelle que ce pays est une invention de LĂ©nine.

Quelques mois plus tÎt, dans un article intitulé "De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens", il expliquait les choix de son voisin par un complot "anti-Russie" des Etats-Unis et de leurs alliés.

L'Occident aurait créé "un systÚme politique ukrainien tel que les présidents, les membres du Parlement et les ministres changent, mais pas le cours sécessionniste et son animosité vis-à-vis de la Russie".

Tatiana Stanovaïa, qui dirige le centre de réflexion russe R.Politik, note que dans la logique de M. Poutine, les soldats russes qui ont pénétré jeudi dans les régions ukrainiennes du nord et de l'est conduisent "une guerre de libération".

D'ailleurs, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, disait en décembre qu'"un peuple frÚre, ça ne se perd pas, il reste un peuple frÚre". En somme, il s'agit pour le pouvoir russe de rétablir le cours naturel des choses en Ukraine, et au-delà.

Moscou le dit et le rĂ©pĂšte: l'Occident a profitĂ© de la faiblesse post-soviĂ©tique de la Russie pour camper dans son voisinage. Et Poutine rĂ©clame ni plus ni moins que l'Alliance atlantique revienne Ă  ses lignes de 1997 et renonce Ă  l'architecture sĂ©curitaire issue de la Guerre froide. En somme, dit AlexeĂŻ Makarkine, "le moteur de l'action de Vladimir Poutine, c'est son dĂ©sir d'arrĂȘter le temps".

AFP

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