Pour la plupart des gens, Los Angeles évoque Hollywood, ses longues avenues bordées de palmiers, ses collines et son ciel bleu. Mais l'immense métropole abritant prÚs de quatre millions d'ùmes est également le plus grand champ pétrolier urbain des Etats-Unis. Des centaines de puits de pétrole sont situés en plein milieu de quartiers densément peuplés, souvent à faibles revenus. Ils s'adossent parfois à des écoles, des habitations, des parcs ou des centres commerciaux.
MĂȘme s'ils font partie du paysage et de l'histoire de la ville depuis des dĂ©cennies, leur prĂ©sence est de moins en moins acceptĂ©e par les habitants et militants Ă©cologistes, pour lesquels ils posent un risque sanitaire et devraient ĂȘtre bannis de la ville. "L'appĂąt du gain justifie-t-il qu'on expose tous ces gens Ă un risque d'accident catastrophique?", demande Martha Dina Arguello, directrice d'une association de mĂ©decins engagĂ©s et co-responsable d'un groupe local contre le forage urbain (STAND-L.A.).
Devant un puits dans un quartier résidentiel du nord-ouest de la ville, elle pointe une dizaine de pompes à piston utilisées pour extraire le pétrole, cachées derriÚre une grille, accomplissant leur mouvement de balancier telles des oiseaux préhistoriques. Tout prÚs se trouvent trois écoles et un parc.
"Ces sites pĂ©troliers ne devraient pas ĂȘtre dans nos quartiers", ajoute-t-elle. "Ils sont sources de pollution de l'air et font partie intĂ©grante de la crise climatique." En 2018, le comtĂ© de Los Angeles a produit quelque 12 millions de barils de pĂ©trole (contre 26 millions en 2008).
- Zone tampon -
Le mouvement contre les puits urbains a encouragĂ© plusieurs Ă©lus locaux et dĂ©fenseurs de l'environnement Ă appeler Ă interdire tout nouveau permis de forage dans l'Etat, et Ă mettre en place une zone tampon de 750 mĂštres autour de chaque puits. La question a mĂȘme Ă©tĂ© abordĂ©e par la militante suĂ©doise pour le climat Greta Thunberg, qui s'est rĂ©cemment jointe Ă d'autres jeunes Ă Los Angeles pour protester contre le forage pĂ©trolier dans l'Etat.
Une réunion sur le sujet à la mairie de Los Angeles le mois dernier a attiré une foule de citoyens préoccupés, mais également des dizaines d'ouvriers de cette industrie, inquiets pour leur avenir.
Selon Amalia Sanchez, prĂ©sente Ă cette rĂ©union, les habitants de son quartier ouvrier de Wilmington, dans le sud de Los Angeles, se plaignent souvent d'asthme et de maux de tĂȘte, ainsi que d'une mauvaise odeur provenant des champs pĂ©troliers Ă proximitĂ©. "Les gens se demandent pourquoi je vis encore ici, mais oĂč est-ce que je peux aller? Je n'ai pas d'argent pour payer un plus gros loyer", a tĂ©moignĂ© cette habitante de 62 ans, qui souffre d'asthme elle-mĂȘme. "Personne ne fait attention Ă nous car nous sommes pauvres."
Plus au nord, dans un quartier proche de l'universitĂ© de Californie du Sud (USC), Anna Parks s'inquiĂšte des trois sites de forage pĂ©trolier prĂšs de sa maison et des consĂ©quences sur la santĂ© de ses trois enfants. "Un des sites s'est retrouvĂ© dans l'actualitĂ© car beaucoup d'enfants saignaient du nez, avaient des problĂšmes respiratoires et des maux de tĂȘte liĂ©s aux fumĂ©es", explique-t-elle en faisant visiter son quartier.
Elle-mĂȘme membre d'un groupe visant Ă attirer l'attention sur ce problĂšme, elle sait que ces initiatives ne font pas le poids face aux puissants lobbys pĂ©troliers. Mais pour elle, il n'y a pas de raison que les quartiers les plus pauvres du comtĂ© ne bĂ©nĂ©ficient pas des protections accordĂ©es depuis longtemps aux plus riches, oĂč des contrĂŽles plus stricts ont Ă©tĂ© mis en place.
"Je pensais que Los Angeles était la ville du cinéma, mais c'est la ville du pétrole", se désole Anna Parks, qui a déménagé en Californie il y a 20 ans. "Le parc préféré de mes enfants lorsqu'ils étaient petits était situé à environ 300 mÚtres d'un site de forage... et ils ont respiré des toxines liées au forage pétrolier toute leur vie."
- Emplois et impĂŽts -
Mais nulle part ailleurs dans la ville l'exploitation pétroliÚre n'est plus frappante qu'à Signal Hill, à 35 kilomÚtres au sud du centre de Los Angeles. Cette commune a, par le passé, été surnommée la "colline porc-épic" en raison du nombre de tours de forage et de pompes qui hérissaient ses flancs.
Aujourd'hui, des dizaines d'entre elles sont toujours en service, et beaucoup se trouvent entre des maisons ou des immeubles.
Mais alors que de nombreux habitants interrogĂ©s disent que les engins devraient ĂȘtre enlevĂ©s -- notamment compte tenu de l'engagement de l'Etat Ă rĂ©duire ses Ă©missions carbone -- beaucoup d'autres dĂ©sapprouvent l'impact qu'une telle dĂ©cision pourrait avoir sur l'Ă©conomie locale et les milliers d'employĂ©s du secteur.
"OĂč iront tous les travailleurs?", demande un homme, assis dans un cafĂ© dont le parking compte lui aussi une pompe. "Nous devons garder les emplois des gens et les revenus des impĂŽts" payĂ©s par les entreprises.
Le scepticisme est fort également du cÎté des industriels, notamment concernant la zone tampon proposée.
"Il n'y a pas de preuve scientifique qu'une barriÚre arbitraire puisse améliorer la réglementation à Los Angeles, qui est déjà l'une des plus strictes de la planÚte", argue Rock Zierman, PDG de la California Independent Petroleum Association. Selon lui, la mesure équivaudrait "à une interdiction de facto de la production" à Los Angeles.
Outre les emplois et les impÎts en moins, "cela voudrait dire (...) davantage de pétrole importé de pays qui ne respectent pas des mesures pour protéger l'environnement ou les droits humains", estime le lobbyiste.
AFP


