Cahin caha, les députés vont reprendre lundi l'examen du projet de budget 2023, alors que le gouvernement s'apprête à utiliser l'arme constitutionnelle du 49.3 pour forcer l'adoption de la partie recettes, au cours d'une semaine déjà socialement chargée.
Le recours à cet outil paraît inexorable, faute de majorité absolue pour les macronistes. Son possible emploi a déjà été autorisé mercredi dernier par le Conseil des ministres. "On sera sans doute amené à recourir au 49.3 mais, contrairement à ce que dit Jean-Luc Mélenchon (en marge de sa "marche contre la vie chère", NDLR), ça ne sera pas demain" lundi, a assuré dimanche soir Elisabeth Borne à TF1.
Les spéculations vont bon train sur le moment que va choisir la Première ministre: mercredi, jour théorique de fin des discussions dans l'hémicycle, voire plus tard? Mardi semble moins probable, la CGT ayant organisé ce jour-là une journée de "mobilisation et grève" interprofessionnelle.
"Je souhaite que le débat ait lieu", a soutenu dimanche la Première ministre ; "qu'on aille le plus loin possible", avait affirmé plus tôt le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, même si au fil des jours "la facture s'alourdit", avec des votes la semaine dernière entraînant déjà 8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.
Le gouvernement a été battu à maintes reprises: l'objectif clé de contenir le déficit public à 5% du PIB en 2023 a été effacé, l'"exit tax" concernant l'exil fiscal des entrepreneurs été rétablie et des crédits d'impôt ont été votés pour tous les résidents en Ehpad ou pour la rénovation énergétique de logements.
Le groupe MoDem, membre de la majorité, a même fait adopter une majoration de la taxation des "super-dividendes" sans l'aval du gouvernement. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, fait barrage: il a indiqué lundi que ce dernier amendement ne serait pas conservé car il est "profondément injuste", ne s'appliquant pas aux personnes morales et physiques domiciliées à l'étranger. "On peut le retravailler", a déclaré Jean-Paul Mattei (MoDem).
- Gérer plusieurs fronts -
Plus de 2.000 amendements restent à examiner, sur les plus de 3.400 déposés, à commencer lundi par la proposition de la Nupes de rétablir l'ISF. Et de gros sujets restent à venir, comme la taxation des "superprofits", peut-être lundi.
Dans l'équation du 49.3 pèse aussi la contestation sociale. "Il vaut mieux régler le problème des raffineries TotalEnergies" avant de mettre en jeu la responsabilité du gouvernement et d'être confronté aux motions de censure annoncées par la Nupes et le RN, souligne une source gouvernementale.
Ces motions sont quasi prêtes et ont peu de chances d'être adoptées. Les députés RN ne voteront pas "a priori" la motion Nupes, a indiqué leur patronne Marine Le Pen. Et vice versa pour la gauche.
En attendant, la colère de certains monte: "Ils font débattre la représentation nationale pour rien et ne retiendront pas les amendements votés. Ils n'ont donc que du mépris pour les Français et pour la démocratie", s'indigne Mme Le Pen. "Le Parlement souverain légifère. Nous voulons savoir si vous êtes co-constructeur", avait lancé dans l'hémicycle le patron du PS Olivier Faure à l'adresse du gouvernement.
Celui-ci a le choix de soumettre au 49.3 la version qu'il souhaite. Les discussions vont bon train et Elisabeth Borne a échangé lundi matin avec les présidents des trois groupes de la majorité.
Bruno Le Maire a déjà dit oui à une TVA à 5,5% sur les masques (idée socialiste) et à une baisse de l'impôt sur les sociétés pour les "petites PME" (soutenue par les MoDem et LR). Laurent Marcangeli (groupe Horizons, membre de la majorité) pense "avoir été entendu" pour un "filet de sécurité" pour les collectivités.
La semaine sera longue, et possiblement à nouveau compliquée. L'Assemblée doit en principe entamer jeudi l'examen du projet de budget 2023 de la Sécurité sociale, avec un 49.3 là aussi attendu, dès la fin de l'examen de la partie recettes, voire avant.
AFP
