Justice

Pédophilie dans l'Eglise: Barbarin campe sur ses positions en appel

  • PubliĂ© le 28 novembre 2019 Ă  17:09
  • ActualisĂ© le 28 novembre 2019 Ă  17:24
Le cardinal Philippe Barbarin (C) arrive Ă  la cour d'appel de Lyon, le 28 novembre 2019

"Je n'arrive pas bien Ă  voir en quoi je suis coupable": le cardinal Barbarin, qui conteste sa condamnation pour ne pas avoir dĂ©noncĂ© les abus sexuels passĂ©s d'un prĂȘtre de son diocĂšse, n'en dĂ©mord pas Ă  la barre de la cour d'appel.

VĂȘtu d'une veste sombre et accompagnĂ© par ses avocats, il a dĂ» fendre une nuĂ©e de journalistes pour gagner une salle d'audience bondĂ©e jeudi, comme en premiĂšre instance.

Entendu dans la matinĂ©e par la cour, l'archevĂȘque de Lyon, 69 ans, a dĂ©fendu la mĂȘme position que lors de son premier procĂšs oĂč les juges l'avaient dĂ©clarĂ© coupable d'avoir gardĂ© le silence sur les agressions commises sur de jeunes scouts, bien avant son arrivĂ©e Ă  Lyon en 2002, par le pĂšre Bernard Preynat. DĂ©froquĂ© en juillet, ce dernier doit ĂȘtre jugĂ© en janvier.

Quand le cardinal a-t-il eu vent du passĂ© de ce prĂȘtre ? La question est au coeur du dossier et le prĂ©lat reste flou. Fin septembre 2002 pourtant, son agenda l'amĂšne dans la paroisse de Preynat. "On entend des bruits, il y a des +trucs+, quelque chose de louche, mais personne ne dit rien de prĂ©cis", affirme-t-il.

En 2010, en plein scandale de pĂ©dophilie en Irlande, il explique avoir convoquĂ© le prĂȘtre, Ă  l'occasion d'un changement d'affectation, pour "avoir le coeur net" sur ces "rumeurs". Mais comme en premiĂšre instance, il concĂšde seulement "avoir cru" Preynat quand celui-ci lui affirme alors que ses agissements ont cessĂ© en 1991, sans les dĂ©tailler, selon ses dires.

C'est en 2014, en rencontrant Alexandre Hezez, une victime de Preynat, que l'archevĂȘque aurait appris le dĂ©tail des agressions et les dizaines de victimes.

"Les faits pour lui Ă©taient prescrits et empĂȘchaient une action devant la justice, j'ai donc agi devant mon autoritĂ© Ă  moi, celle de Rome", se dĂ©fend Philippe Barbarin. L'idĂ©e d'en parler Ă  la justice n'est passĂ©e "ni dans sa tĂȘte, ni dans la mienne".

En 2015, M. Hezez a finalement portĂ© plainte auprĂšs du parquet de Lyon, malgrĂ© cette prescription, dĂ©clenchant l'ouverture d'une enquĂȘte sur Preynat, dont neuf victimes ont ensuite poursuivi le cardinal pour non-dĂ©nonciation.

Mais celui-ci dément avoir voulu cacher quoi que ce soit. "Il n'y a pas eu d'infraction parce qu'il n'a jamais eu l'intention de le faire", renchérit son avocat, Jean-Félix Luciani.

- "Naufrage spirituel" -

Le 7 mars, la décision du tribunal correctionnel de Lyon s'était abattue comme la foudre sur l'Eglise de France à travers son plus haut dignitaire, qui s'est vu infliger six mois de prison avec sursis.

S'il avait fait acte de repentance devant la justice divine au cours d'une messe médiatisée en 2016, s'attribuant surtout des "erreurs de gouvernance", Mgr Barbarin a fait appel. Il a également remis sa démission au pape, qui l'a refusée au motif, précisément, que son jugement n'était pas définitif.

"Que le guide spirituel vienne faire valoir une prescription (des faits, ndlr) en cours d'appel, c'est un naufrage spirituel en fait. C'est ne rien avoir compris du message évangélique", a déploré avant l'ouverture des débats François Devaux, président de l'association de victimes La Parole libérée qui a porté la procédure.

La question de la prescription constitue un élément central du procÚs en appel.

En premiÚre instance, le tribunal a considéré le délit de non-dénonciation comme "instantané" et que le cardinal s'en était rendu coupable par deux fois: en 2010 - ce qui tombe sous le coup de la prescription, dont le délai est de trois ans - puis en 2014, quand il reçoit M. Hezez.

La défense du cardinal, menée par Me Jean-Félix Luciani, conteste cette analyse, demandant à la cour d'expliquer "comment des faits, constitués en 2010 mais prescrits depuis, auraient pu revivre en 2014".

Pour les parties civiles, le dĂ©lit reprochĂ© au cardinal doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme "continu" dans le temps, ce qui aurait pour consĂ©quence de ne faire dĂ©marrer la prescription qu'en 2015, quand la justice fut informĂ©e par M. Hezez.

De ce que "plein d'autres gens savaient" déjà, objecte le Primat des Gaules.

"Je pourrais vous donner les noms d'une quinzaine de familles qui savaient et qui regrettent aujourd'hui de n'avoir rien dit (...). Une victime m'a dit: je vous attaque vous car je ne vais pas attaquer mon pĂšre quand mĂȘme", se dĂ©fend-il sans sourciller.

AFP

guest
0 Commentaires