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Présidentielles en Gambie: l'opposant Barrow met fin au pouvoir de Jammeh

  • Publié le 2 décembre 2016 à 21:30

Le président gambien Yahya Jammeh, qui dirige son pays d'une main de fer depuis 22 ans, a été défait jeudi par le candidat d'une coalition d'opposition, Adama Barrow, et a accepté ce résultat, a annoncé vendredi la commission électorale, créant la surprise.


M. Jammeh, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1994, élu en 1996 puis largement réélu tous les cinq ans depuis, s'était dit certain d'une nouvelle victoire, et ses détracteurs lui prêtaient l'intention de n'accepter aucune autre issue.
Il avait prévenu qu'il ne tolérerait aucune contestation des résultats dans la rue, mais exclusivement devant les tribunaux. Et depuis vendredi matin tôt, les forces de sécurité étaient déployées en masse à Banjul, la capitale de ce petit pays d'Afrique de l'Ouest.
"Je déclare Adama Barrow légalement élu pour servir comme président de la République de Gambie", a proclamé le président de la Commission électorale indépendante, Alieu Momar Njie devant la presse, une annonce retransmise par la télévision d'Etat.
M. Barrow, un homme d'affaires, a obtenu 263.515 voix (45,5%), M. Jammeh, 212.099 voix (36,6%), et Mama Kandeh, ex-député du parti au pouvoir et candidat d'une nouvelle formation 102.969 voix (17,8%) à ce scrutin à un tour, a-t-il indiqué.
"Nous appelons tout le monde à respecter la paix, la tolérance et la tranquillité parce que comme vous pouvez le voir à ces résultats, nous allons avoir un changement de gouvernement", a ajouté Momar Njie.
La participation avoisinait les 65 %.
Des manifestations de joie ont éclaté dans les rues de Banjul, selon des journalistes de l'AFP.
Auparavant, le président de la Commission électorale avait jugé "vraiment exceptionnel que quelqu'un qui a dirigé le pays aussi longtemps ait accepté sa défaite".
La télévision d'Etat a indiqué à l'AFP que M. Jammeh devait faire une déclaration plus tard dans la journée pour féliciter M. Barrow.
Le réseau internet et les communications téléphoniques internationales, qui avaient été coupés depuis mercredi soir afin d'empêcher la diffusion de résultats non officiels, ont été rétablis vendredi, ont constaté des journalistes de l'AFP.
- Gouvernement de transition -
Quelque 890.000 électeurs, sur près de 2 millions d'habitants de ce pays enclavé dans le territoire sénégalais, hormis sa façade atlantique, étaient appelés aux urnes pour départager les trois candidats, tous âgés de 51 ans, étant nés en 1965, année de l'indépendance de cette ex-colonie britannique.
Dès la fermeture des bureaux de vote, a débuté le décompte des billes déposées dans les trois bidons de couleurs différentes - le vert pour Jammeh, le gris pour Barrow et le violet pour Kandeh - un système de vote unique au monde.
"Par la grâce de Dieu Tout-Puissant, ce sera le plus grand raz-de-marée de l'histoire de mes élections dans ce pays", avait lancé jeudi Yahya Jammeh après avoir voté.
L'opposant Adama Barrow avait affiché la même assurance. "S'il (Jammeh) perd, il faut qu'il reconnaisse sa défaite. Et nous savons qu'il va perdre", avait-il déclaré jeudi à l'AFP.
Pendant sa campagne, il s'est engagé à respecter le mémorandum adopté par l'opposition, qui prévoit la mise en place d'un gouvernement de transition pendant trois ans.
Le département d'Etat américain a salué jeudi soir "une participation manifestement élevée et un climat généralement pacifique" lors du vote, mais s'est inquiété "des pressions et des intimidations" avant le scrutin.
Selon des analystes et l'opposition, c'était la première fois que le régime, qui a survécu à de nombreuses tentatives de coup d'Etat, était sérieusement menacé par un scrutin, au terme d'une campagne marquée par l'expression d'un pluralisme inhabituel.
Malgré la répression, la parole se libère depuis des manifestations en avril pour réclamer des réformes politiques, puis pour dénoncer la mort en détention d'un opposant et la condamnation en juillet à trois ans de prison d'une trentaine de participants à ces rassemblements, dont le chef de l'opposition, Ousainou Darboe.
Les ONG et certaines chancelleries condamnent les violations des droits de l'Homme sous Yahya Jammeh, des accusations qu'il rejette.
Beaucoup de Gambiens portent néanmoins à son crédit la stabilité du pays et certains progrès, notamment en matière d'éducation et de santé. Mais de nombreux autres fuient la grande pauvreté et la répression sur les routes de l'émigration clandestine.

Par Hélène DUVIGNEAU - © 2016 AFP
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