Il veut envoyer les OQTF à Saint-Pierre et Miquelon

Wauquiez, l’outrance décomplexée ou quand la droite rêve du retour des bagnes coloniaux

  • Publié le 10 avril 2025 à 13:44
  • Actualisé le 12 août 2025 à 10:17
Laurent Wauquiez est arrivé à La Réunion

En proposant ce mardi 8 avril 2025, d’enfermer les étrangers sous OQTF (obligation de quitter le territoire français) à Saint-Pierre-et-Miquelon, Laurent Wauquiez s’enfonce dans une stratégie d’extrême-droitisation assumée. La réaction est immédiate, dans l’archipel comme dans tous les territoires ultramarins. Une stratégie assumée, dans la continuité d'une droite française toujours plus nationaliste et décomplexée dans son discours (Photo rb/www.imazpress.com)

Laurent Wauquiez persiste et signe. En pleine campagne pour la présidence des Républicains, l’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a choisi l’outrance comme stratégie.

Sa dernière trouvaille : envoyer à Saint-Pierre-et-Miquelon les étrangers sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) dans un centre de rétention, au motif que l’archipel, hors de l’espace Schengen, permettrait de bloquer leur retour en métropole.

"Cinq degrés de moyenne annuelle, 146 jours de pluie ou de neige… ça va faire réfléchir", a-t-il glissé cyniquement sur CNews, comme s’il parlait d’un bagne naturel. L’image est saisissante : une relégation punitive dans un territoire français ultramarin, isolé, comme on le faisait au XIXe siècle.

Lire aussi - Wauquiez veut "enfermer" les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, l’archipel n’est "pas une prison", réagit Valls

Wauquiez revendique une inspiration australienne – celle de l’île de Nauru, symbole de maltraitance migratoire dénoncé par l’ONU. Mais il ressuscite surtout la mémoire du bagne de Cayenne.

- Entre stratégie et conviction, la classe politique s'insurge -

L’idée choque jusqu’à l’extrême droite. "Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas des sous-citoyens", tranche Marine Le Pen, qui voit les propos de Wauquiez alimenter le moulin de sa stratégie de dédiabolisation engagée après l'éviction de son père du Rassemblement national en 2015.

Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, est également monté au front dès ce mardi soir. "L’exil forcé, c’est une méthode de colon, pas d’élu de la République. Le bagne de Cayenne, c’est loin et tant mieux."

Il rappelle que "Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est la France", pas une zone de relégation. Derrière la provocation de Wauquiez, une logique s’impose : utiliser les territoires ultramarins comme terrains d’expérimentation autoritaire.

Une stratégie que rejettent aussi les députés. Arnaud Saint-Martin (LFI) lance "Guantanamo façon Vichy 2.0 […] Le naufrage continue". Johanna Rolland (PS), dénonce une "insulte aux valeurs de la République". Le ton est grave. Le malaise réel.

- Une droitisation du discours -

Ce n’est pas un dérapage isolé. Wauquiez s’inscrit dans une longue lignée de propositions toujours plus radicales venues de la droite française. En 2014, Nicolas Dupont-Aignan rêvait déjà de rouvrir le bagne de Cayenne pour les prisonniers les plus dangereux.

En 2017, il propose un "bagne démocratique" aux Kerguelen. En 2024, Éric Ciotti voulait créer un "Guantanamo à la française" pour les islamistes. Bruno Retailleau, de son côté, s’illustre récemment par une stratégie de confrontation avec l’Algérie sur les expulsions de ressortissants.

Wauquiez pousse le curseur encore plus loin. Il ne s’agit plus seulement de priver de droits, mais d’expulser hors du regard, dans des marges fantasmées.

Son discours, malgré les démentis, épouse les lignes de l’extrême droite tout en reprenant ses méthodes de contournement juridique et symbolique.

Il parle à une base électorale chauffée à blanc, il fracture, consciemment à la façon d'un Donald Trump, l’idée même de République.

- Des Outre-mer méprisés -

À La Réunion, le mouvement Pour La Réunion (PLR) ne mâche pas ses mots. "M. Wauquiez recycle des logiques de relégation coloniale", accuse le mouvement dans un communiqué.

Le PLR fait le lien entre ces discours actuels et l’histoire des exils forcés : enfants réunionnais déplacés vers la Creuse, Kanaks déportés, bagnards envoyés pour occuper des territoires autochtones.

"Ce n’est pas un dérapage, c’est une idéologie", tranche le PLR.

Lire aussi - Non à la relégation coloniale : notre territoire n’est pas une prison !

Les Outre-mer sont vus comme des zones périphériques, éloignées, disponibles pour les expérimentations sécuritaires que l’hexagone n’ose pas assumer. Ce que révèle cette déclaration, c’est une hiérarchie d’appartenance : certains Français seraient relégués à n’être que des supports logistiques, des outils de gestion.

La République, pourtant indivisible, devient à deux vitesses.

- Le piège se referme -

En croyant affirmer son autorité avec un point de vue radical, Laurent Wauquiez s’est sans doute tiré une balle dans le pied. Sa proposition choque jusque dans son propre camp. Elle fragilise encore davantage sa candidature à la présidence des Républicains, déjà disputée par Bruno Retailleau.

Elle fragilise aussi, plus largement, sa stratégie pour 2027. Car cette sortie met une lumière crue sur son profil – et sur ses casseroles. Les affaires s’accumulent : dîners somptuaires au frais du contribuable, perquisitions du Parquet national financier, enquêtes en cours sur sa gestion régionale.

Le "dîner des sommets", organisé au château de La Chaize en juin 2022 pour 100.000 euros, a provoqué l’indignation. La justice demande la liste des invités. Wauquiez, lui, multiplie les recours pour éviter la transparence.

Mais l’image colle désormais : celle d’un élu qui prêche l’ordre et la rigueur tout en se servant sur l’argent public. La politique du choc, Wauquiez en a fait son credo. Mais dans cette course à la démagogie, il pourrait bien perdre la seule chose qu’il espérait : l’investiture pour 2027.

Quant à sa vision punitive des Outre-mer, elle révèle surtout une pensée d’un autre âge – et un candidat déjà dépassé.

pb/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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4 Commentaires
Ded
Ded
5 mois

c'est juste un crétin qui flirt avec le RN , comme Retailleau ( Double pettes et patachon des LR)
Il est tellement inculte et trop occupé à se servir dans les caisses de sa région qu'il ne sait même pas combien d'habitants il y a là-bas , enfin s'il sait que ce ne sont pas des îles seulement peuplées par des phoques! Et puis , comme beaucoup de LR , ex UMP , ex tout ce qu'on veut , ils sont restés dans les années 50 , le bon temps des colonies...mais sait-il que les "colonies" l'emmerdent!

Povero
Povero
5 mois

Son idée n’est peut être pas la meilleure mais il faut faire quelque chose de fort et leur faire peur !

SARDA
SARDA
5 mois

L'esprit de la colonisation existe toujours. Retour aux bagues coloniaux, demain travailler comme les esclaves 80 h par semaine, sans déclaration, si possible travailler sans être payé...voilà la vision du dictateur...

Achtung
Achtung
5 mois

comme à Madagascar