Rodrigues en musique

Entre polka et séga tambour

  • Publié le 7 août 2011 à 06:20

La boucle lustrée du soulier verni renvoie un éclat de lumière. La jupe longue à manches gaufrées virevolte sagement. Les cheveux de la cavalière sont ramenés sur la nuque dans un chignon impeccable. Son cavalier à un mouchoir blanc dans la main. Il l'a tendu à la jeune fille pour l'inviter à danser. Le couple tourne sur la piste au rythme d'une valse égrenée par l'orchestre

La scène a lieu dans le salon d'un hôtel de luxe à Rodrigues, à quelques centaines de kilomètres de La Réunion et de Maurice (Rodrigues est rattaché à la république mauricienne), à des milliers de kilomètres du continent européen. Les danseurs et les musiciens font partie d'une troupe et ils donnent un spectacle pour clients de l'hôtel.

Une mazurka succède à la valse, puis vient une polka, une scottish (kotis en créole rodriguais). Les danseurs s'en donnent à c?ur joie. Les pas et les figures sont enchaînés avec entrain. Si tout paraît aussi bien réglé c'est que le spectacle est bien rôdé certes, mais c'est aussi, surtout en fait, parce que ces danses désormais désuètes à La Réunion, à Maurice ou en Europe, sont toujours dansées à Rodrigues. Par les plus âgés et par les jeunes. Amenées par les Européens lors de la colonisation de l'île il y a plus de deux siècles et demi, elles restent bien vivaces. Elles connaissent même une nouvelle vie. Avec la capacité d'intégration qui est celle de toute les peuples métissés, les Rodriguais ont su les adapter à leurs spécificités en remplaçant le violon et la harpe par le tambours et l'accordéon.

"En fait, la musique est aussi une façon pour le Rodriguais de rendre hommage à ces différentes origines. Nous dansons sur les danses européennes, mais aussi sur les rythmes africains amenés par nos ancêtres esclaves" note Kennedy, un jeune homme de 21 ans qui exerce le métier d'animateur. Lesquels rythmes d'Afrique sont séparés en deux branches musicales. D'une part le séga accordéon aux accents plus "policés" et au tambour moins présent. D'autre part, le séga tambour où les percussions règnent en maître "et où l'on est sûr que tout le monde se retrouve sur la piste dès les premières mesures même dans les discothèques où les jeunes dansent le rap et la techno" commente Edouard Doyal, chanteur et animateur d'un centre culturel à Port Mathurin (capitale de Rodrigues). Un peu comme à La Réunion, où le rythme du maloya ressemble à s'y méprendre à celui du séga tambour...

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