Emplois présumés fictifs à la Région : le procès en appel tourne court, la justice s’enlise dans ses propres errements

  • Publié le 13 novembre 2025 à 08:17
  • Actualisé le 13 novembre 2025 à 08:47
Loyers payés par la Région : Didier Robert condamné à 8 mois de sursis, 100.000 euros d'amende et 5 ans d'inéligibilité

À peine ouverte, l’audience d’appel dans l’affaire des emplois présumés fictifs à la Région a viré au fiasco judiciaire ce mercredi 12 novembre 2025 à la cour d’appel de Saint-Denis. Après une demi-journée de débats chaotiques, la cour a décidé de renvoyer le procès aux 15, 16 et 17 avril 2026. En cause : la découverte d’une enquête préliminaire "fantôme" - portant sur des faits révélés par Imaz Press en 2017 -, jamais communiquée à la défense, ni même connue de la juridiction d'appel (Photos rb/imazpress.com)

Le ton est donné dès 8h30. À la barre, Me Creissen, avocat de Didier Robert, ex-président de Région, dénonce d’emblée des vices de procédure. Selon lui, le président Jacques Rousseau aurait échangé des courriels préparatoires sans respecter la collégialité de la cour. Il demande le renvoi pur et simple du procès. La requête est rejetée, mais elle annonce la suite : une cascade d’exceptions de nullité.

L’avocat attaque ensuite le fond de l’affaire : il conteste la validité du rapport de la Chambre régionale des comptes à l’origine de l’enquête, qu’il juge "sans valeur juridique". Il évoque un parquet "partial", mené par l’ancien procureur Éric Tuffery, qu’il accuse d’avoir "laissé transparaître ses affinités politiques".

Pour lui, les investigations ont été "orientées", les saisies informatiques irrégulières, certains actes d'enquête, comme la confrontation entre Vincent Bègue et Didier Robert, entachés de vices.

Me Olivier d'Antin et Me Alain Rapady, défenseurs de Vincent Bègue, plaident à leur tour la nullité : citation "trop vague", accusations "à la truelle". Ils dénoncent même une interview télévisée de la procureure de Saint-Denis, Véronique Denizot, qui aurait confirmé les poursuites avant leur ouverture.

Lire aussi : Emplois présumés fictifs à la Région : Didier Robert et dix autres prévenus rejugés en appel

- L’ombre d’une enquête oubliée -

C’est à la reprise de l’audience, en fin de matinée, que le procès bascule. Me Alain Rapady évoque une "ancienne enquête"portant sur les mêmes faits, classée en 2020, et dont personne ne semble détenir copie.

En début d'après-midi à la reprise des débats, la procureure générale, Fabienne Atzori, reconnaît sa surprise : elle découvre à 11 heures l’existence de cette procédure parallèle et fait ce qu'elle va qualifier elle même "d'aveu judiciaire". Le président Jacques Rousseau explose : "Je suis furieux. C’est un euphémisme", tonne-t-il.

- Affaire révélée par imaz Press -

Cette affaire des 166 emplois présumés fictifs avait été révélée par Imaz Press en juin 2017. Les noms de ces 166 personnes avaient été publiées en ligne sur une plate-forme en ligne, la même où des documents échangés par la team de campagne d'Emmanuel Macron ont été publiés après avoir été hackés. 

Les personnes étaient supposément employées (en tant que titulaires ou contractuels) au Cabinet, au service communication, au service protocole et les conseillers techniques.

Interrogée par Imaz Press Réunion à l'époque, La Région avaiet reconnu, de fait, l'emploi de "conseillers techniques" réputés "experts" mais n'avait ni confirmé ni n'infirmé le chiffre des 166 employés

Lire aussi ; Région Réunion - Le Cabinet, dépendances et apparentés compteraient 166 membres

Ce "dossier fantôme" est devenu le point de rupture au procès ce mercredi. Les avocats crient au scandale : Me Marius Rakotonirina parle d’une "enquête à charge", Me Mathieu Jorelle d’une "violation manifeste du contradictoire", Me Gabriel Odier d’un "dossier vicié". La bâtonnière Léopoldine Settama déplore "une situation ubuesque", "des gens attendent depuis des mois d’être jugés, et voilà qu’on découvre une enquête cachée !"

Face à la confusion, la procureure générale plaide le respect des droits de la défense et propose de renvoyer l’affaire pour communiquer les pièces manquantes.

- Colère des robes noires et aveu d’impuissance

"Je suis ébahie", souffle Me Settama. "On nous dit qu’il faut refaire le film à l’envers !"renchérit Me Rapady. Le bâtonnier Laurent Payen, avocat de Jean-Louis Lagourgue, souligne le caractère "irrémédiable" du désordre, "si cette enquête est nulle, les poursuites le sont aussi."

Les débats virent à l’absurde : la partie civile, représentée par Me Guillaume Martine pour la Région, admet sa gêne ; le président parle de "honte". La procureure générale, visiblement décontenancée, confesse : "je ne peux pas faire plus. Je n’envisage pas de me désister."

À 15 heures passées, les avocats sollicités pour donner leur avis sur un éventuel renvoi ont tous eu la parole. Ils sont tous du même avis : reconnaître une faute judiciaire et clôturer définitivement cette affaire. La cour n’a plus d’autre choix que de suspendre. Après délibéré, la décision tombe : le procès est renvoyé aux 15, 16 et 17 avril 2026, le temps que cette fameuse première enquête soit versée au dossier et communiquée à toutes les parties.

- Un naufrage procédural -

Ce procès, déjà qualifié de tentaculaire, s’enlise un peu plus. Il devait trancher sur la responsabilité pénale de Didier Robert, Jean-Louis Lagourgue, Vincent Bègue et huit anciens agents de la Région relaxés en première instance. Il restera, pour l’heure, comme un cas d’école d’un système judiciaire qui s’épuise dans ses propres filets : procédures multiples, enquêtes qui se superposent, délais interminables.

Au-delà du sort des prévenus, c’est la crédibilité de l’institution qui a vacillé ce mercredi 12 novembre 2025. À la barre, magistrats et avocats ont partagé la même lassitude : celle d’une justice qui semble incapable de juger ce qu’elle a elle-même mis en mouvement.

Un comble.

is/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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10 Commentaires
GramounFM
GramounFM
13 minutes

Ce n'est pas la justice qui s'enlise, ce sont certains magistrats. Mais pas de souci, cela ne fait que des coûts supplémentaires et il n'y aura aucune sanction pour ceux qui ont merdé.

Sacron
Sacron
1 heure

Sin dni lu veut fini di à nous prépare terrain , son restaurant i serve à ça, mais karma plus fort, i foudroie. Pour l’instant la totoche le juge rousseau en direct, c’est certain! Juge rousseau lé bon pour prendre la retraite, bana fini ridiculisé à lu

Al Capone
Al Capone
4 heures

Et ça veut se présenter à l'élection municipale de st paul ou St denis ?

Aubras
Aubras
4 heures

Didier ROBERT et ses groupies ont été relaxés en première instance à cause de ce problème d'enquête non versée au dossier. Ce n'est pas parce qu'il y à eu un non lieu à l'epoque que les présumés innocents ne sont pas coupables. Une autre instruction a eu lieu et les emplois fictifs ont été chiffrés à plus de 1,5 millions d'euros. C'est de l'argent indûment perçu par ses soi-disants collabos. La Cour d'Appel rétablira la vérité et les coupables seront punis.

SPL ESTIVAL
SPL ESTIVAL
4 heures

Après on comprend qu'il y a des affaires comme SPL ESTIVAL ?

Sentiment d'impunité.
Avec un peu de chance tout sera réglé en 2070 ?

Elus corrompus
Elus corrompus
1 heure

Les élus ont reçu le droit de détourner les fonds publics. Ils ont le droit de corrompre, de faire du conflit d'intérêt, d'avoir des emplois fictifs! C'est une élite placée au dessus du peuple qui toise ce peuple. Nos élus ne nous représentent pas. Ils nous utilisent pour se faire élire puis benéficient de passe-droit pour nous dérober l'argent de nos impôts! Nous travaillons pour les faire vivre dans l'opulence! Les ors de la République!

Honte pour la Réunion
Honte pour la Réunion
4 heures

On a honte pour vous les prévenus.
L'honneur n'a pas de prix ?

Trinida
Trinida
4 heures

La justice du désert misérable pour la Nation.Qui veut Rajouter des pièces manquantes dans un dossier considéré comme une coquille vide.Quand elle ne peut plus répondre les Avocats de la défense et celle de la partie quand a Entendu dire dans la salle d'audience que la Magistrature a même travailler le 11 Novembre pour pour comprendre la procédure c'est à ce moment que j' ai compris que cette Affaire a été inventé de tout bord.Alors en tant que contribuable je trouve que Quelque part que nos goyaves de France sont chèrement payer pour profiter de la prime Soleil.A il fait beau la Réunion. A mes Dames et Monsieurs, l'oeuf était vide vous l'avez cassé on ne peut plus la resouder!!!.

974
974
2 heures

Vous ne savez pas lire apparemment. Les ..... ça osent tout.
Pauvre de vous.

Entourloupe
Entourloupe
4 heures

A l'image de sa politique a la region ; tout est fait a moitié. Moitié la route.
L 'elu qui collectionne les casseroles et qui a tué le tram train. Le coma circulatoire c'est lui.
Mauvaise gestion a la commune du tampon ... encore lui.
Affaire des loyers ... toujours lui.
Affaire des recrutement encore lui.
Bref a défaut de se défendre dre sur le fonds des affaires, on cherche vices de forme.
Quelle indignité !