Pendant les fêtes, des familles se mobilisent pour accueillir des gramounes isolés

  • Publié le 11 décembre 2025 à 02:59
gramoun

À l’approche des fêtes, les guirlandes s’illuminent, les repas se préparent… mais pour de nombreux gramounes, cette période reste l’une des plus douloureuses de l’année. À La Réunion, plusieurs dispositifs se mobilisent pour lutter contre l’isolement, dont l’action phare "Gramounes en fête", portée par l’association SOS Gramounes isolés. Une initiative qui, depuis plus de dix ans, redonne chaleur humaine et présence aux personnes âgées seules, à Noël comme au 1er de l’an. (Photo : rb/www.imazpress.com)

Depuis sa création l'association SOS Gramoune isolée organise, chaque année, "Gramounes en fête". Une action simple, mais essentielle : proposer à une famille d’accueillir un.e gramoune isolé.e pour un déjeuner le 25 décembre ou le 1er janvier.

"L’objectif, c’est de lutter contre l’isolement les jours de fête", explique Patrice Louaisel, président de SOS Gramounes isolés. "Quand on est seul chez soi alors que partout autour, les gens se rassemblent, la souffrance est double. C’est une période où on se sent mis à part".

L’association, née en 2011 sous le nom Res pa seul, a fait de ce combat une priorité. Le principe est resté inchangé : une famille inscrit sa candidature, puis s'engage à aller chercher un.e gramoune le midi pour partager un repas, discuter, écouter, offrir un petit cadeau. "Comme si c’était un membre de la famille", résume Patrice Louaisel.

- Entre espoir, hésitations et retrouvailles -

Pour cette édition 2025, l’appel aux familles est lancé entre le 8 et le 10 décembre. Elles ont ensuite jusqu’au 20 pour se manifester. "Il faut parfois négocier avec ses proches : accueillir un inconnu chez soi, ce n’est pas anodin", reconnaît le président de l’association.

Côté gramounes, la démarche est plus complexe. "Beaucoup espèrent jusqu’au dernier moment que leur propre famille les invite. Parfois jusqu’à la veille", explique Patrice Louaisel. Et si les appels sont moins nombreux qu’auparavant, ce n’est pas faute d’isolement. "On a compris qu’il y a une forme de honte. Quand les proches apprennent qu’un gramoune a contacté l’asso, ils finissent souvent par l’inviter… mais ce n’est pas spontané", il déplore.

Malgré tout, l’action crée des liens durables. Environ 25 à 30 % des familles renouvellent chaque année, parfois en maintenant des contacts réguliers avec les gramounes accueillis.

- "Je retrouve une ambiance de famille" -

Mimose* connaît les deux côtés de l’action : bénéficiaire et bénévole. "Passer les fêtes dans un cadre amical, c’est mieux que rester chez moi, seule. Quand vous voyez les voisins faire la fête… c’est triste", confie-t-elle.

Son fils vient régulièrement lui rendre visite, mais le soir de Noël, "il sort de son côté", précise Mimose*. Alors chaque année, elle se porte volontaire pour être accueillie, et aide aussi l’association à mettre en relation familles et gramounes. "Ça crée du lien. Et j’aime aider d’autres personnes qui vivent la même chose". Écoutez.

Certaines familles l’ont adoptée bien au-delà des fêtes : anniversaires, week-ends, sorties. "Je suis très humaine, j’aime les gens. Tant que Dieu me donne la vie, je veux aider mon prochain", souffle-t-elle.

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Guylène Mussard, elle, accueille un.e gramoune presque chaque année. "On a entendu une annonce à la radio en 2013, et on a appelé tout de suite. C’est tellement dommage que des gens passent les fêtes seuls". Pour elle, l’action apporte autant aux familles qu’aux gramounes. "Il y a une année, on était que trois : ma mère, mon fils et moi. Accueillir un gramoune a rendu le repas plus chaleureux. Tout le monde est gagnant".

- À Saint-Denis, un travail de fond pour recréer du lien -

Au-delà de cette action associative, les collectivités tentent elles aussi de repérer et soutenir les personnes âgées isolées. Depuis deux ans, la ville de Saint-Denis a déployé une équipe de six agents de convivialité, entièrement dédiée aux seniors de plus de 65 ans vivant seuls. "Ils tiennent compagnie à ces personnes, lisent, font des sorties, aident à l’accès aux droits", détaille Pascal Tailamée, directeur de l’action sociale au CCAS. "En deux ans, ils ont touché une centaine de gramounes. C'est une action importante car beaucoup vivent dans une grande précarité".

En cette période de fin d'année, le CCAS propose aussi : un repas spécial fête dans le cadre du portage de repas ou encore des goûters partagés, avec les agents de convivialité. Une journée solidaire pour les personnes âgées à la rue est également organisée par les services de la ville, avec soins esthétiques, repas et distribution de cadeaux utiles. "Le but est de recréer du lien social, de ne laisser personne de côté, surtout en fin d’année", insiste-t-il.

- Lutter contre l’isolement, une bataille invisible -

À La Réunion, près de 30 % des personnes âgées vivent seules, selon les associations. Pour beaucoup, Noël et le 1er de l’an ravivent les blessures : deuils, éloignement familial, solitude quotidienne. Face à ce constat, les initiatives se multiplient, mais toutes reposent sur un pilier commun : l’humain. "À travers un simple repas, on change la journée, parfois même la vie, d’un.e gramoune", rappelle Patrice Louaisel. "Ce n’est pas grand-chose, mais pour eux, c’est énorme".

À quelques semaines de la fin de l'année, l’appel est lancé : familles, bénévoles, voisins… chacun peut aider à transformer une journée de solitude en un moment de chaleur. Parce qu’aucun gramoune ne devrait passer les fêtes seul.

vg / www.imazpress.com / [email protected]

*prénom d'emprunt

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