Alors que les saisies de drogue explosent à La Réunion, les appels à une réponse du gouvernement se multiplient. Politiques et professionnels de santé tirent la sonnette d'alarme et demandent un renforcement des moyens engagés dans la lutte contre le trafic de stupéfiants dans l'île. Ils craignent que la situation soit bientôt "hors de contrôle". L'Etat affirme qu'il est mobilisé. (Photo rb www.imazpress.com)
Cocaïne, ecstasy, cannabis... la liste des produits saisis à La Réunion s'allonge d'année en année. En 2024, 494 kg de cannabis, 152 kg d'ecstasy, 52 kg de cocaïne et 17 kg de kétamine et cathinone ont été interceptés par les services de l'État, d'après la préfecture.
Des chiffres en nette augmentation (+156% pour le cannabis et l'ecstasy et +328% pour la kétamine et la cathinone par rapport à 2023), qui illustrent l'intensification des flux entrants, notamment via les colis postaux, le fret express ou les mules arrêtées à l'aéroport.
- "Il neige sur La Réunion"-
Pour le docteur David Mété, chef du service addictologie au CHU de La Réunion, le constat est alarmant : "Il neige sur La Réunion. En réalité, il neige partout dans le monde, mais on ne doit pas subir ce problème international".
Le médecin est très inquiet : "La situation avec la cocaïne sera hors de contrôle si on ne se mobilise pas immédiatement", il prévient. "On voit chaque jour des histoires dramatiques : des jeunes endettés de plusieurs milliers d'euros, des familles menacées".
Alors que les professionnels de la santé travaillent à sensibiliser la population, ces dernières semaines, des élus tirent aussi la sonnette d'alarme. Au début du mois, la présidente de Région, Huguette Bello, a écrit au premier ministre, François Bayrou, pour appeler au renforcement des moyens de lutte contre le crime organisé et le trafic de stupéfiants à La Réunion. De son côté, le député Philippe Naillet interpelle le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau.
Sollicitée, la préfecture assure que la lutte contre les stupéfiants est une priorité de l’action de l’État dans le cadre du plan #Etatyprotezanou, déclinaison locale du plan d'action départemental de restauration de la sécurité au quotidien (PADRSQ). Une stratégie interministérielle est coordonnée par le préfet en lien avec les procureurs de Saint-Denis et de Saint-Pierre.
- Plus d'effectifs et plus d'amendes -
D'après la préfecture, les chiffres sont en hausse. Le nombre d’infractions à la législation sur les stupéfiants a progressé de 34 % depuis 2019, et les amendes forfaitaires délictuelles ont augmenté de 5 % en 2024, après une hausse de 162 % en 2023.
Si les forces de police et de gendarmerie spécialisées ont vu leurs effectifs doublés, sous la coordination de l’office antistupéfiants (OFAST) et d’une cellule de renseignement (CROSS), Nicolas Le Gall, directeur régional des douanes de La Réunion, affirme que davantage de moyens ne serait pas de refus.
"Je ne pense pas que des maîtres-chiens supplémentaires, comme l'a demandé Huguette Bello, soient nécessaires car nous avons déjà trois équipes dont deux spécialisées stupéfiants", il justifie.
- Les conteneurs encore peu contrôlés -
Alors que les contrôles des passagers et des colis postaux sont plutôt bien rodés, la question des conteneurs reste sensible. Dans son courrier au premier ministre, Huguette Bello précisait que les contrôles sur les conteneurs issus de bateaux de pêche ou de commerce étaient encore trop peu nombreux.
Afin de combler cette faille, un scanner mobile sera déployé en août 2025, permettant de vérifier les cargaisons sans les ouvrir systématiquement. Une avancée attendue par plusieurs acteurs de la chaîne, alors que les ports restent une porte d’entrée majeure pour les trafics.
Lire aussi - Narcotrafic à La Réunion : le député interpelle Bruno Retailleau
"Si la livraison d’un scanner est bien prévue, les postes nécessaires pour le faire fonctionner n’ont pas été créés au budget 2025", écrit la présidente de Région.
Le directeur régional des douanes de La Réunion affirme que la demande de renfort concerne surtout les douaniers piétons : "il nous faudra des hommes en plus pour utiliser le scanner mobile, car pour le moment cette opération est très lourde et mobilise des équipes entières".
- Neutraliser la technique du "rip-off" -
Autre sujet pointé du doigt : l’absence de brigade maritime des douanes dans la zone océan Indien. La direction garde-côtes n’a jamais été implantée à La Réunion, explique la préfecture. La surveillance maritime est assurée, depuis toujours, par les forces armées dans la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI), avec la Marine nationale. "Il faut absolument que nous renforcions nos dispositifs maritimes", précise Nicolas Le Gall. "Nous voyons se mettre en place à La Réunion, le "rip off".
En anglais, l'expression "rip off" peut signifier à la fois "arracher" et "arnaquer". Pour les douaniers, elle décrit une méthode de contrebande de plus en plus utilisée par les trafiquants de drogue. Elle consiste à placer des stupéfiants à l'entrée d'un conteneur, facilement accessible et sans pour autant être dissimulée sous les marchandises.
L'objectif : permettre à un complice de récupérer rapidement la cargaison dès son arrivée, avant toute inspection douanière. Il s'agit souvent d'une personne ayant un accès direct au conteneur et qui peut facilement briser le scellé et s'emparer de la marchandise illicite.
Lire aussi - Trafic de stupéfiants : à l'aéroport, les douanes luttent contre un "tsunami blanc"
En mer comme sur terre, l’État assure être mobilisé. Reste à savoir si cela suffira à endiguer une dynamique qui inquiète autant les autorités que les professionnels de santé. Pour le docteur Mété, la réponse devra aussi être sociale, éducative, et surtout massive : "Il faut réagir avant que notre société ne soit gangrenée. L’île est menacée, et les conséquences peuvent être très lourdes".
vg/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
J'ai lu les commentaires après le témoignage de O Winter sur C à vous, au sujet de son nez... beaucoup d'internautes font référence à la poudre blanche. L'île est petite, tout se sait normalement, à moins que les enquêtes des RG ou lettres... sont court circuités au niveau de l'administration judiciaire, commeje l'avais entendu pour un sénateur. On ne sait pas qui sont les clients ???
Trump dirait que si ça flambe, c'est parce qu'il y a trop de contrôles ! (cf. COVID).
Ici on nous dit que si ça flambe c'est parce que nous manquons de moyens pour effectuer plus de contrôles et réprimer un peu plus.
Ces deux positions me paraissent absurdes parce qu'elles sont éloignées de la vraie question qui est: Alors que la consommation de drogues dures était assez peu répandue à la Réunion, pourquoi a-t-elle explosée en un peu moins de vingt ans ?
Il faut alors se tourner vers les politiques publiques de "gestion" de cette question pour, peut-être, trouver une (non pas la..) réponse a cette question.
Le zamal a la Réunion était depuis longtemps comme une "tradition" pas seulement pour les jeunes.
Il était récréatif et la production était assurée sur place.
Depuis 15 ou 20 ans et comme s'il fallait décrocher un certificat de vertu, de droiture, des campagnes d'arrachage massif et de répression soutenue ont été imaginées.
Le résultat ne s'est pas fait attendre.
Puisque une denrée rare est chère, l'esprit commerçant par le trafic, a fleuri.
En d'autres termes, nos "autorités" ont créé le manque, donc le desir de ce qui, peu ou prou, était jusque-là satisfait par le zamal.
Puisque la drogue dure est moins volumineuse et plus rentable que le zamal, les margoulins de tout poil ont vu là une opportunité.
Nos "autorités" ont voulu s'attaquer à l'offre par la répression.
L'échec est patent.
Nous sommes à la veille d'une légalisation du zamal. Il serait peut être temps de ranger les matraques dans l'intérêt de tous.
Cette histoire me rappelle celle de l'avortement qui, à un an d'intervalle, vallait de la prison ferme au praticien qui s'y livrait (Aff. Clinique de St Benoit , Dr Ladjad) et aujourd'hui, ce même praticien serait remboursé par la CGSS.
Gérer, c'est prévoir donc anticiper.
tellement vrai ce que vous dites... merci. Mais bon, il semble que quand on a le pied sur l'accélérateur de connerie, on l'enfonce...
Il suffirait peut-être déjà de faire renifler, par un chien spécialisé, toutes les valises qui sortent de l'aéroport ? Cela se fait dans certains aéroports étrangers.
Il resterait bien sûr le souci des conteners et de ceux qui avalent des boulettes. Mais cela freinerait quand même.
Trop tard... Comme d'habitude!
Le chien ou les chiens devraient être pres des tapis de livraison, et capturer tous les passeurs. On manque de moyens……
Les antilles sont ainsi depuis des décennies, on y va droit dedans.