Narcotrafic : entre "tsunami blanc" sur La Réunion ou pas, l'État a du mal à se décider

  • Publié le 10 décembre 2025 à 08:03
Douane aéroport Roland Garros

En avril 2025, alors qu'Imaz Press était en tournage aux côtés des douanes de l'aéroport Roland-Garros, les agents parlaient d'un "tsunami blanc". L'expression évoque une circulation importante des drogues dans l'île et une hausse du narcotrafic à La Réunion. Six mois après, l'État rétropédale. Se serait-il trop avancé ? Est-il dans le déni de la réalité et des chiffres ? La préfecture et les Douanes assurent maintenant qu'il n'y a pas de "vague blanche" et encore moins de "tsunami". En 2025 pourtant, 52 mules ont été interpellées. Les affaires judiciaires de trafic de drogues s'accumulent à la barre du tribunal et de vastes opérations ont lieu sur tout le territoire pour lutter contre les trafics de drogues (Photo : rb/www.imazpress.com)

Interrogé, le directeur régional des douanes a déclaré lui-même ce mardi 9 décembre 2025, lors d'une opération à l'aéroport Roland-Garros, "sur la cocaïne on est à 42 kilos à date – plus que l'année dernière - effectivement on est en augmentation mais ce n'est pas un tsunami".

Selon Nicolas Le Gall, c'est "un changement de vecteur "qui explique cela. Les narcotrafiquants qui passaient avant par le fret express postal, cette année passe plus par les mules par vecteur aérien et maritime". Écoutez.

- Le narcotrafic s'étend à La Réunion mais pour l'État la vague blanche a pris le large -

Le jeudi 2 octobre 2025, le directeur de cabinet du préfet, Vincent Bernard-Lafoucrière a déclaré : "on voit aujourd'hui qu'il n'y a pas de vague blanche". Il avait toutefois souligné qu'il y a une "hausse de la circulation des drogues". Écoutez.

Cette déclaration du directeur de cabinet de la préfecture sur l'absence de "vague blanche" peut interroger, alors que les services des Douanes indiquaient en avril 2025 avoir désormais affaire à un "tsunami blanc".

"Il y a six ans, on avait moins d'un kilo de cocaïne par an saisi à l'aérogare, les chiffres parlent d'eux-mêmes", confirmait Hervé Le Ray, inspecteur général des douaniers. "Un filtre à l'arrivée ne suffit pas à tout arrêter, on ne peut pas contrôler tous les passagers. Il est certain que ce que l'on saisit est une goutte d'eau vis-à-vis de ce qui peut passer", admettait le contrôleur.

- L'État semble être dans le déni -

Simple déni ou minimisation de la situation ? Le préfet a pourtant affirmé ce mardi, "ces phénomènes de stupéfiants à La Réunion, sont en train de devenir une priorité d'action". Il suffit simplement d'écouter.

L'état a d'ailleurs lancé l'opération la campagne "Fais pas ta tête de mule" pour dissuader les potentiels candidat(e)s pour ramener de la drogue à La Réunion.

Des mules suivies par les services de contrôles judiciaires et d'enquêtes (SCJE), qui bientôt, seront prises en charge par des addictologues et psychologiques de la Mildeca, en soutien avec l'ARS. Des hommes et surtout beaucoup de femmes "mamans, avec de jeunes enfants, en difficulté financière qui sont utilisées pour ramener les produits", explique la directrice régionale du SCJE, Maylis Acoulon. Écoutez.

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- L'État multiplie les "opérations coup de poing" pour lutter contre les mules - 

Selon l'État il n'y a pas de "tsunami blanc", mais il souhaite toutefois faire de la lutte contre les drogues sa priorité.

Sans doute parce que les chiffres parlent d'eux-mêmes. "42 kilos de cocaïne interceptés à date du 9 décembre 2025 contre 39 l'année, passée", disent les douanes.

52 mules arrêtées sur un an contre 25 en 2024, près de 500.000 euros en argent liquide (contre 50.788 en 2024), soit "10 fois plus que l'année dernière", confirme la préfecture pour qui il n'y a pas de "tsunami blanc".

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Tout en affirmant qu'il n'y a pas de "vague blanche", l'État mobilise ses effectifs sur des "opérations coup de poing" à l'aéroport Roland-Garros.

La première a eu lieu le 25 juin 2025. Une centaine de policiers et de douaniers ont été mobilisés pour procéder au contrôle des 490 passagers et des 15 membres d'équipage d'un vol French Bee. 

"C'est un défi logistique" mis en place "pour essayer de comprendre l'ampleur du phénomène" de trafic de drogue, expliquait le représentant de l'État.

La seconde opération du genre avait eu lieu le 2 octobre 2025. Quatre personnes ont été interpellées et placées en garde à vue pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, et 20 kilos de cannabis ont été saisis. 

Les quatre personnes arrêtées étaient jugées en comparution immédiate à Saint-Denis. Le tribunal a prononcé des peines allant du sursis probatoire à trois ans de prison ferme.

- Les affaires de drogues s'accumulent à La Réunion -

Les tribunaux judiciaires et les forces de l'ordre sont fortement occupés par les affaires de drogue. Dans la semaine du 1er au 5 décembre, trois personnes (dont deux Mauriciens) ont été arrêtées avec 47 kilos d'herbe de cannabis, une mule a été interceptée avec 3,615 kilos de cathione, un chef de réseau de mules provenant de l'Hexagone a été interpellé et une autre mule provenant de Thaïlande en possession de 14,38 kilos d'herbe de cannabis a été arrêtée.

En octobre 2025, une opération judiciaire d’envergure menée conjointement dans l'île et dans l'Hexagone a conduit à l’interpellation de 18 personnes, dont 10 à La Réunion, et à la saisie de plus de 2 millions d’euros de produits stupéfiants et numéraire.

Ce vaste trafic entre La Réunion et la France hexagonale, utilisait "à la fois les vecteurs aériens et maritimes pour acheminer la drogue jusqu’à La Réunion", a annoncé la gendarmerie.

Le 5 octobre 2025, "les services des douanes découvrent 8 kg de MDMA sous forme de cristal, dissimulés dans la roue de secours d’un véhicule neuf débarqué à La Réunion, en provenance du Havre (76)", expliquent les forces de l'ordre. La valeur marchande de la drogue, "d’un taux de pureté de 85 %, est estimée à plus de 550.000 euros sur le marché local".

Les premières investigations, réalisées sous l’autorité du parquet de Saint-Denis de La Réunion, "mettent en évidence une organisation criminelle complexe, impliquant des complicités portuaires pour l’importation des produits stupéfiants". 

Ce mardi 9 décembre, c'est un important dispositif de la gendarmerie qui a été déployé au port de plaisance du Port. La brigade nautique et le GIGN (groupement d’intervention de la gendarmerie nationale) étaient mobilisés sur des investigations en lien avec des faits présumés de tentative d'assassinat en bande organisée qui ont eu lieu dans le quartier de la Ravine à Malheur à la Possession ce mardi 2 décembre dans une affaire qui aurait pour origine un trafic de drogue.

Opérations de contrôle, interpellations, mules arrêtées à l’aéroport, saisies de cocaïne et de cannabis, comparutions immédiates se succèdent à un rythme soutenu... Mais que l'on se rassure : il n'y a pas de "tsunami blanc" à La Réunion, jure l'État la main sur le coeur... peut-être pour se convaincre lui-même, à défaut de convaincre la population.

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