Tribune libre de Joël Hoarau, Président de l’AVAAE.

Coup de vent dans la pêche avant la tempête  

  • Publié le 19 janvier 2023 à 17:44

L'Association des Victimes de l'Allocation des Aides Européennes (AVAAE) s’est déjà réjoui que l'Autorité de la Concurrence ait en novembre 2022 condamné l'Association Réunionnaise  Interprofessionnelle de la Pêche et de l’Aquaculture (ARIPA). Cette condamnation a mis fin à des  pratiques graves et illicites d'entente anticoncurrentielle qui ont privé pendant 11 ans de  nombreux pêcheurs des aides européennes auxquelles ils avaient pleinement droit. L’AVAAE  n’entend pas pour autant en rester là. Son Président, Joël Hoarau, nous explique que cette  condamnation n’est que le premier coup de vent qui annonce la tempête…  (Photo d'illustration)

« Je m’appelle Joël Hoarau. Ancien armateur embarqué de pêche côtière.  

En tant que président de l’AVAAE, je tenais de nouveau à prendre acte de la décision de  l’Autorité de la Concurrence qui a sanctionné l’ARIPA pour avoir organisé une entente entre ses  membres portant sur la fixation des prix de vente du poisson et le contrôle de la production  des débouchés par un apport total de la pêche. 

En tant que victime moi-même des agissements de l’ARIPA, c’est avec satisfaction que j’ai  accueilli cette décision de justice. Je tiens à rappeler que c’est du fait de telles pratiques que  j’ai été écarté, comme de nombreux pêcheurs, du bénéfice des aides européennes du Plan de  Compensation des Surcoûts (PCS).  

C’est parce que j’ai refusé de brader mon poisson aux Usiniers que l’ARIPA a refusé à son tour  de m’accorder les aides du plan de compensation des surcoûts auxquelles j’avais pourtant droit.  A cause de ces agissements, je me suis retrouvé dans une situation extrêmement difficile et j’ai  dû vendre mon bateau. J’en suis même tombé gravement malade.  

Je ne suis pas le seul dans ce cas ! Un grand nombre de pêcheurs a refusé ce chantage honteux  que nous imposait l’ARIPA : « Si tu veux des aides, tu dois vendre ton poisson aux Usiniers  d’après le prix qu’ils ont fixé. C’est à prendre ou à laisser !!!! »  

Ce qui s’est passé est intolérable et immoral en plus d’être illégal. Malgré différents courriers  d’alerte (que nous avons conservés) auprès des décideurs concernés, on a accaparé les aides  destinées aux plus faibles. Pire encore, on s’est servi de ces aides pour accaparer à bas prix la  production des pêcheurs. Comme s’il y avait eu une volonté de nous écraser !  

Nous sommes donc heureux que l’Autorité de la Concurrence ait sanctionné l’ARIPA en  qualifiant les faits de particulièrement graves. L’amende de 60 000 euros nous paraît équilibrée  puisqu’elle ne va pas mettre l’ARIPA en danger. Tel n’était pas notre objectif.

AVAAE – Grand-Bois-les-Hauts – 12 ter chemin du Bassin des Chevrettes – 97410 Saint-Pierre Mail : avaae.974@gmail.com 

Association des victimes de l’allocation des aides européennes 18/01/2023  

Cette sanction n’est cependant que le premier coup de vent avant la tempête, une première  étape qui en appelle deux autres.  

La seconde étape est celle des sanctions par l’OLAF (Office européen de Lutte Anti-Fraude) qui  a initié une enquête sur la régularité du versement des aides du PCS. Les enquêteurs de l’OLAF  sont venus récemment à la Réunion et j’ai été entendu pour leur expliquer ce qui s’est passé.  

La décision de l’Autorité de la Concurrence qui s’est livrée à une analyse détaillée va constituer  une base pour tous ceux qui ont bénéficié de cette entente. Certains usiniers ayant pignon sur  rue rembourseront les aides qu’ils ont illégalement obtenues. Nous pensons que l’OLAF ira plus  loin car dans cette affaire il n’y a pas seulement eu entente sur les prix et contrôle des  débouchés : ce n’est en effet un secret pour personne qu’il y a également eu des abus et des  fraudes dans la compensation des coûts et des quantités pêchées…  

Comme cela saute désormais aux yeux, on a affaire à un système mafieux sophistiqué de  détournement des fonds européens au profit de certains usiniers, avec au pire la complicité, et  a minima la négligence, de certains fonctionnaires et décideurs politiques.  

Nous espérons donc que l’OLAF sanctionnera ceux qui ont nui aux petits pêcheurs et à la réputation  de la Réunion auprès des instances européennes. Nous attendons également que le Parquet  recherche rapidement les responsabilités et sanctionne sévèrement ces faits, non seulement  graves du point de vue de la Loi, mais surtout dramatiques pour beaucoup de ces pêcheurs. 

La troisième étape est donc celle de la réparation du préjudice subi. La sanction par l’Autorité  de la Concurrence ouvre en effet la voie à celle-ci. J’invite ainsi tous les pêcheurs qui ont subi  un tel préjudice sur les 11 ans qu’aura duré cette fraude à se regrouper autour de l’AVAAE afin  d’en évaluer le montant en vue d’obtenir cette réparation.  

Je lance également un appel au Préfet de la Réunion. Je lui dis que les petits pêcheurs que nous  sommes avons cruellement besoin de son aide. C’est le rôle de l’Etat d’aider les plus faibles.  

Nous allons saisir la Justice pour obtenir réparation mais nous souhaitons que le Préfet nous  accompagne afin de mettre en place une commission pour soutenir les victimes, et qu’un fonds  d’urgence soit créé pour avancer les indemnisations en attendant les décisions de justice.  

Nous n’avons plus les moyens d’attendre !!! 

Joël Hoarau, Président de l’AVAAE ». 

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