Longtemps marginalisé, parfois diabolisé, le servis kabaré sort de l’ombre, à l'occasion des célébrations de l'abolition de l'esclavage, grâce à un podcast documentaire. "Lang déléyé si servis kabaré", une série sonore en créole réalisée à La Réunion, propose une plongée intime dans ce culte aux ancêtres afro-malgaches, entre mémoire de l’esclavage, transmission et renouveau spirituel. Disponible à partir du 20 décembre 2025 sur toutes les plateformes d’écoute. (Photo : sly/www.imazpress.com)
"Une fois par an, la famille se réunit. Toute la nuit, le roulèr va gronder. Les ancêtres vont se joindre à la fête jusqu’à l’aube. C'est le servis kabaré".
La promesse de "Lang déléyé si servis kabaré", c'est d'installer une atmosphère. Celle d’un rituel ancien, profondément enraciné dans l’histoire réunionnaise, hérité des esclaves afro-malgaches et transmis, parfois dans le silence, de génération en génération.
À travers cinq épisodes d’environ 25 minutes, la série explore le servis kabaré comme pratique religieuse, mais aussi comme espace de lien et de mémoire.
Une démarche portée par deux co-autrices : l’anthropologue Béatrice Vélin-Cassim et la journaliste Juliette Pierron-Rauwel. Écoutez.
- "Lang déléyé si servis kabaré", un projet né d'une rencontre -
"J’ai grandi ici, je connaissais les différentes religions, mais le servis kabaré, je ne connaissais pas", confie Juliette Pierron-Rauwel. C’est en découvrant une interview de Béatrice Vélin-Cassim qu’elle prend conscience de ce vide et décide de s’y intéresser. "Je me suis dit que c’était fou de ne pas connaître cette pratique alors qu’elle fait partie de notre histoire". Écoutez.
De cette rencontre, naît l’idée d’un podcast, plutôt qu’un documentaire filmé. "C’est une histoire d’intimité, parfois de tabou. La parole était plus facilement libérée. Le son permet une proximité différente, plus respectueuse", expliquent-elles.
- Des voix, des chants, des émotions -
Ici, pas de studio feutré. Le podcast est entièrement enregistré en immersion : dans les cours, les maisons, les cérémonies, au coeur même du servis kabaré. Regardez.
"On a été accueillies chez les gens, dans leur intimité. C'était des moments très forts, chargés d'émotions", raconte Béatrice Vélin-Cassim. "On dédie ce projet à toutes les personnes qui nous ont fait confiance et qui ont participé. Nous l'offrons à la société réunionnaise dans laquelle ça va permettre des discussions autour du servis kabaré".
Dans ce podcast, la parole est majoritairement en créole. On y entend des pratiquants, des non-pratiquants, des historiens comme Prosper Ève, des figures du maloya, des descendants de grands kabaré, mais aussi une nouvelle génération qui s’empare à son tour de ce rite.
Poésie, chants inédits, témoignages parfois au bord des larmes : "Lang déléyé si servis kabaré" donne à entendre ce qui, jusque-là, se murmurait.
- Un podcast pour transmettre et questionner -
Au-delà du rite, le podcast interroge la place du servis kabaré dans l’identité réunionnaise contemporaine. "Il n’y a pas si longtemps, cette pratique faisait peur, elle était mal vue", rappelle Béatrice Vélin-Cassim. En filigrane, se dessine une réflexion plus large sur l’héritage de l’esclavage, la place des descendants afro-malgaches, et la manière de guérir une histoire traumatique. Écoutez.
Le dernier épisode ouvre la discussion sur l’avenir : comment transmettre ? Comment dialoguer entre générations ? Comment faire vivre cette pratique sans la figer ?
Soutenu par le Département de La Réunion, la ville de Saint-Denis et la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, le projet se veut vivant. "On n’a pas envie que le podcast sorte et puis basta. On aimerait qu’il serve d’outil pédagogique, de support de discussion, de médiation culturelle", insiste Juliette Pierron-Rauwel.
Le 20 décembre, jour de sa sortie officielle sur les plateformes d'écoutes (Spotify, Deezer et Apple Podcasts), Lang déléyé si servis kabaré sera également proposé en écoute libre au musée de Villèle, dans l’ancien hôpital des esclaves, à l'occasion des festivités du 20 Désanm. Une invitation à écouter ensemble, à échanger, et à "déli la lang".
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