Cela devait être un simple contrôle routier nocturne. Mais les images publiées vendredi par la police de Memphis montrent crûment l'insoutenable brutalité de l'arrestation de l'Afro-Américain Tyre Nichols et l'acharnement des cinq policiers qui le battent au sol.
Sur plus d'une heure de vidéo, trois minutes captées par une caméra placée en hauteur concentrent les nombreux coups de poings, de pied et de matraque portés par un groupe d'agents contre cet homme de 29 ans sur un coin de trottoir, dans le halo des gyrophares de police.
Les premières images, capturées par les caméras piéton des policiers, les montrent au volant, pourchassant une voiture. Quand celle-ci s'arrête, les policiers, tous afro-américains, se précipitent en hurlant: "Sors de cette voiture! Sors de cette putain de voiture". Tyre Nichols n'en a même pas le temps. L'un des policiers tente de l'extraire avec violence du véhicule.
On entend alors le jeune homme tenter de calmer le jeu: "Je n'ai rien fait", "je veux juste rentrer chez moi !". Les policiers autour de lui crient de plus belle: "Allonge-toi! Tourne-toi!"
Les vidéos de cette arrestation extrêmement brutales publiées par la police de Memphis sont à visionner ici (attention les images sont violentes)
- Couvert de sang -
"Ok, je suis allongé". Les policiers ne cessent de hurler, visiblement en proie à la panique. Il tente alors de se dégager. Aspergé de gaz irritant et visé par un Taser, il parvient cependant à s'échapper.
La vidéo suivante est d'une violence terrible. Tyre Nichols est à terre, maintenu par deux policiers. L'un d'entre eux lui donne un premier coup de genou, c'est le début d'un tabassage en règle. Un troisième policier s'approche, matraque en main et frappe à deux reprises l'homme à terre.
Un quatrième s'avance au moment où ses collègues parviennent à redresser Tyre Nichols. Et lui aussi frappe, mais avec les poings, à cinq reprises, directement au visage de celui qu'il est censé interpeller. Les coups pleuvent, il reste un moment debout avant de s'écrouler à terre.
- "Maman, maman" -
"Maman. Maman. Maman!", crie Tyre Nichols dans un des extraits. Dans un autre, on le voit au sol, battu durant de longues secondes.
S'ensuivent de longues secondes ou l'homme gesticule au sol avant qu'il ne soit traîné jusqu'à une voiture où les policiers vont tenter en vain de le maintenir assis, adossé à la portière. Un bref moment, la caméra passe sur son visage, il est tuméfié et couvert de sang.
La dernière image montre le gyrophare d'une ambulance, qui n'arrive qu'au bout d'une vingtaine de minutes. Trois jours après ce passage à tabac, Tyler Nichols meurt dans un hôpital de Memphis.
Les cinq policiers ont été licenciés, inculpés pour meurtre et écroués. Quatre d’entre eux ont ensuite été libérés sous caution.

- Joe Biden "scandalisé" -
Réagissant quelque trente minutes après que la vidéo explosive eut été rendue publique, le président Joe Biden s'est dit "scandalisé" et "profondément meurtri".
Signe que l'affaire est potentiellement explosive, M. Biden a exhorté à ce que les rassemblements soient "pacifiques" et s'est entretenu au téléphone dans l'après-midi avec la mère et le beau-père de Tyre Nichols.
"Mes pensées vont à la famille de Tire Nichols et aux Américains de Memphis et de tout le pays qui pleurent cette perte extrêmement douloureuse. Il n'y a pas de mots pour décrire le chagrin et le chagrin de perdre un enfant bien-aimé et un jeune père" aussi posté le Président américain sur ses réseaux sociaux.
Car sa mort rappelle celle de l'Afro-Américain George Floyd, tué par un policier en mai 2020. Des manifestations contre le racisme et les violences policières avaient alors embrasé le pays, fédérées autour du slogan "Black Lives Matter" (Les vies noires comptent).
"Quand mon mari et moi sommes arrivés à l'hôpital et que j'ai vu mon fils, il était déjà mort. Ils l'avaient réduit en bouillie. Il avait des bleus partout, sa tête était enflée comme une pastèque", a raconté en larmes RowVaughn Wells, la mère de Tyre Nichols, dans une interview diffusée par la chaîne CNN.
La cheffe de la police de Memphis, Cerelyn Davis, avait prévenu que la vidéo montrant l'interpellation de cet homme pour une simple infraction au code de la route était "comparable, voire pire" à celle montrant l'arrestation policière violente de Rodney King en 1991. L'acquittement, un an plus tard, des quatre policiers impliqués, déclencha des émeutes sans précédent à Los Angeles.
- Manifestations -
Les autorités appellent depuis plusieurs jours au calme, anticipant des manifestations après la publication d'une vidéo jugée "épouvantable" par ceux qui l'ont vue.
La famille de Tyre Nichols a elle-même demandé des rassemblement pacifiques. "S'il vous plaît, manifestez, mais manifestez en toute sécurité", a dit son beau-père, Rodney Wells.
A Memphis, les manifestants se sont mis en marche au moment de la publication de la vidéo, scandant: "Dites son nom. Tyre Nichols". "Vous n'avez pas voulu nous écouter", clamait le cortège dans cette ville où Martin Luther King a été assassiné en 1968.
Ailleurs dans le pays, les forces de l'ordre se préparaient à d'éventuels débordements. Deux conseillères de Joe Biden se sont entretenues avec les maires de 16 villes américaines à propos des manifestations.
- "Toutes les violences" -
Tyre Nichols, hospitalisé, était décédé trois jours après son interpellation. Les cinq policiers afro-américains, depuis licenciés, ont été inculpés pour meurtre et écroués. Quatre d'entre eux ont ensuite été libérés sous caution.
Le directeur du FBI, Christopher Wray, s'est dit "horrifié", et le ministre de la Justice Merrick Garland a indiqué qu'une enquête fédérale avait été ouverte.
Le chef des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a lui dénoncé un meurtre "inadmissible", tandis que le sénateur de gauche Bernie Sanders a appelé à "tout faire pour mettre fin à la violence policière contre les personnes de couleur".
Tout en disant leur horreur, les avocats de la famille ainsi que les parents du jeune homme ont tenu à saluer la "rapidité" des mesures prises à l'encontre des policiers.
Le révérend Al Sharpton, célèbre figure de la lutte pour les droits civiques qui prononcera l'oraison funèbre de Tyre Nichols, a affirmé que le fait que les policiers soient noirs rendait "l'événement encore plus choquant".
"Nous sommes contre toutes les violences policières, pas seulement contre les violences policières commises par des Blancs", a-t-il dit.
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