Déboulonnées

Hong Kong: deux nouvelles sculptures commémorant Tiananmen retirées des universités

  • Publié le 24 décembre 2021 à 13:13
  • Actualisé le 24 décembre 2021 à 13:31

Des sculptures de deux universités hongkongaises commémorant le mouvement pro-démocratie de Tiananmen ont été déboulonnées vendredi, ont annoncé les institutions, poursuivant l'effacement dans la ville des hommages à la répression sanglante du 4 juin 1989 à Pékin.

Dans la matinée, l'Université chinoise de Hong Kong (CUHK) a retiré la statue de la "Déesse de la démocratie" de son campus. L'établissement a expliqué que le retrait de la "statue non autorisée" intervenait après une évaluation interne, ajoutant que les groupes responsables de l'installation de l'oeuvre sur le campus en 2010 ne sont plus actifs.

Cette statue de Chen Weiming, une réplique de six mètres de haut de celle érigée par les étudiants manifestant sur la place Tiananmen en 1989, était aussi un symbole du mouvement pro-démocratie de Hong Kong.

L'artiste, basé aux Etats-Unis, a exprimé auprès de l'AFP ses "regrets" et sa "colère", expliquant que l'université avait agi de façon "illégale et déraisonnable". "Ils agissent comme un voleur dans la nuit", a réagi M. Chen, alors que les campus sont déserts pendant les vacances de Noël. "C'est le contraire d'être propre et honnête... Ils avaient peur d'être exposés et de subir un retour de bâton de la part des étudiants et des anciens élèves".

Le sculpteur a assuré que son oeuvre était un prêt, et qu'il engagerait une action en justice si elle était endommagée. Il a dit envisager de demander son renvoi vers la Californie, où il dirige le Liberty Sculpture Park.

De son côté, l'université Lingnan a annoncé le retrait d'un bas-relief commémorant les événements de Tiananmen, oeuvre du même artiste, après avoir "examiné et évalué les éléments sur le campus qui peuvent présenter des risques juridiques et de sécurité pour la communauté universitaire". Le mur portant une représentation de la Déesse de la démocratie y a aussi été repeint.

Vendredi après-midi, des prospectus portant le caractère chinois signifiant "honte" étaient visibles à l'emplacement du bas-relief et ailleurs sur le campus. Deux jeunes femmes se disant anciennes étudiantes ont assuré à l'AFP être à l'origine de ces prospectus, expliquant être en colère après la décision de l'université. "Ils effacent l'histoire. Je ne veux pas être obligée d'oublier", a expliqué une femme nommée Tsang, qui se dit originaire de Chine continentale.

L'universitaire de la Georgetown Law School Eric Lai perçoit le retrait de la Déesse de la démocratie sur le campus de CUHK comme "une nouvelle soumission des autorités locales (universitaires) au régime de sécurité nationale".

- "Valets politiques" -

M. Lai présidait le syndicat étudiant lorsque la statue a été installée sur le campus en 2010. "Comme les membres de mon syndicat étudiant et moi-même avons insisté, la nouvelle déesse de la démocratie a été installée sur le campus de CUHK en présence d'environ 2.000 étudiants et citoyens, malgré le refus de la direction de l'école", a tweeté M. Lai, ajoutant que l'oeuvre était devenue un symbole pour les manifestations étudiantes.

Le syndicat étudiant de CUHK, connu pour son rôle actif dans la mouvement pro-démocratie de Hong Kong, a été démantelé en octobre. Le retrait des statues a été salué par quelques-uns des 90 responsables politiques élus dimanche à l'Assemblée locale lors d'un scrutin réservé aux candidats "patriotes" et pour une petite partie seulement par suffrage universel direct.

"De nombreux valets politiques ont manipulé les sentiments populistes et incité à la haine en utilisant la bannière de la démocratie et de la liberté. Aujourd'hui, les Hongkongais peuvent enfin respirer librement et retrouver une vie normale", a écrit Horace Cheung, vice-président du DAB, le plus grand parti pro-chinois de Hong Kong.

La veille, l'Université de Hong Kong (HKU) avait déboulonné une autre statue, le "Pilier de la honte", commémorant la répression sanglante du 4 juin 1989. Les universités se joignent ainsi à la répression en cours dans la ville contre les hommages aux événements de Tiananmen qui ont longtemps été un symbole des libertés politiques dont jouissait Hong Kong jusque l'an dernier.

La veillée annuelle du 4 juin est interdite depuis 2020, officiellement pour des raisons sanitaires et de sécurité. Plusieurs de ses organisateurs ont été arrêtés et un musée relatant la répression du mouvement étudiant chinois de 1989 a été fermé. Pékin a imprimé sa marque autoritaire sur l'ancienne colonie britannique après les grandes et parfois violentes manifestations de 2019, avec notamment une draconienne loi de sécurité nationale.

AFP

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