Il est de retour

L'Aquarius, "ambulance des mers" partie de Marseille il y a deux ans

  • PubliĂ© le 23 fĂ©vrier 2018 Ă  13:24
  • ActualisĂ© le 23 fĂ©vrier 2018 Ă  14:24
L'Aquarius le 26 décembre 2017 lors d'une opération de sauvetage en Méditerranée

"A quai, c'était trÚs festif, mais sur le bateau, c'était le rush", se souvient Jean, marin-sauveteur. Le 20 février 2016, l'Aquarius, financé quasi-exclusivement par des dons privés, quitte le port de Marseille. Son objectif: sauver des migrants en détresse au large de la Libye. Long de 77 mÚtres, le patrouilleur allemand affrété par l'ONG SOS Méditerranée largue les amarres en fanfare et sous les applaudissements. A bord, aprÚs la frénésie du départ, "ce fut un grand moment de calme et de recueillement", se rappelle Jean.


Deux ans plus tard, le bateau orange et blanc, qui avait auparavant servi pour la surveillance de la pĂȘche, est le seul Ă  n'avoir jamais quittĂ© la zone de sauvetage. Avec l'aide de personnel mĂ©dical de MĂ©decins sans FrontiĂšres, l'"ambulance des mers" a contribuĂ© Ă  sauver 27.000 vies. "Quand on est partis, on n'imaginait pas que ça durerait plus d'un an! C'est un rĂȘve qui s'est rĂ©alisĂ©", raconte Klaus Vogel, premier capitaine de l'Aquarius. Un rĂȘve et une promesse, faite un an plus tĂŽt par celui qui tient alors la barre d'un porte-conteneurs Ă  la mairesse de l'Ăźle italienne Lampedusa, oĂč s'Ă©chouent de nombreux migrants: il lui jure de "revenir avec un gros bateau pour sauver des gens".

- 'Zodiac en détresse' -

Les premiers jours pourtant, l'Ă©quipage est destabilisĂ©: la mĂ©tĂ©o est dĂ©sastreuse et aucune embarcation ne s'aventure en mer: "On se demandait ce qu'on Ă©tait venus faire ici...", se rappelle Jean. Quinze jours plus tard, Ă  06H56, un message de Rome: "Zodiac en dĂ©tresse...100 personnes... Lat 33.13, Long 13.07 E". Un premier sauvetage "idĂ©al": "On Ă©tait prĂȘts, on avait eu le temps de travailler nos procĂ©dures, mĂȘme si le matĂ©riel n'Ă©tait pas extraordinaire".

A l'hiver 2016, quand SOS Méditerranée se déploie au large de la Libye, elle rejoint une flotille humanitaire constituée depuis l'abandon par la marine italienne de l'opération Mare Nostrum. L'Aquarius, "vaillant navire" selon Francis Vallat, le président de SOS Méditerranée, se démarque car il est alors le plus gros à rester en permanence dans la zone, capable de prendre à bord plus de 1.000 personnes et de les transporter jusqu'en Italie. Au printemps 2017, les ONG subissent une salve d'attaques de la part du gouvernement italien qui les accuse de connivence avec les réseaux de passeurs et les oblige à signer un code de bonne conduite.

- 'Ils fuient un enfer' -

Surtout, les garde-cÎtes libyens, formés par l'UE, ont récupéré au printemps des vedettes fournies par l'Italie et repoussé les ONG plus loin de leurs cÎtes, en élargissant leur zone de recherche et de secours. Une situation "confuse, parfois dangereuse" selon Francis Vallat, révolté par le fait que les garde-cÎtes "ramÚnent les migrants dans l'enfer libyen".

Cette tension a poussĂ© plusieurs ONG Ă  retirer leurs navires, d'autant que des accords conclus par Rome avec les autoritĂ©s et les milices libyennes ont provoquĂ© une baisse drastique des dĂ©parts. Depuis juillet 2017, le nombre d'arrivĂ©es en Italie a baissĂ© de 70% par rapport Ă  la mĂȘme pĂ©riode un an plus tĂŽt selon les autoritĂ©s.
Les humanitaires doivent en effet faire face à la polémique portée par des responsables européens, qui les accusent, comme ils accusaient l'opération Mare Nostrum, d'avoir créé un "appel d'air" pour les migrants.

"Faux", rĂ©pond Francis Vallat, "ces gens ne partent pas en quĂȘte d'un eldorado, ils fuient un enfer". La majoritĂ© des migrants sont sauvĂ©s par des navires militaires, rappelle-t-il aussi: selon les gardes-cĂŽtes italiens, les migrants secourus par des ONG ont reprĂ©sentĂ© 1% du total en 2014, 13% en 2015, 26% en 2016 et 46% en 2017. En deux ans, cinq bĂ©bĂ©s ont poussĂ© leur premier cri sur l'Aquarius. L'une d'entre elles, la petite Mercy, a inspirĂ© le duo français Madame Monsieur, sĂ©lectionnĂ© pour l'Eurovision 2018.

AFP

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