Dernier round

Loi immigration : aprĂšs le psychodrame politique, le couperet constitutionnel

  • PubliĂ© le 23 janvier 2024 Ă  08:30
  • ActualisĂ© le 23 janvier 2024 Ă  10:18
L'entrée du Conseil Constitutionnel à Paris, le 22 janvier 2024

Un dernier round pour la loi immigration: un mois aprÚs son adoption chaotique au Parlement, le Conseil constitutionnel rend sa sentence jeudi sur ce texte décrié, avec l'espoir à gauche, et jusque dans le camp présidentiel, d'en voir une large partie censurée.

Restrictions du regroupement familial, de l'accĂšs aux prestations sociales ou fin de l'automaticitĂ© du droit du sol: la liste est longue, selon certains juristes, des mesures pouvant ĂȘtre retoquĂ©es dans cette loi, encore fustigĂ©e dimanche par des dizaines de milliers de manifestants.

Les dispositions sur la sellette sont les plus controversées, réclamées par la droite et concédées par une majorité présidentielle réticente mais voulant éviter l'enlisement. Au prix d'une crise interne, qui a culminé avec l'étalage des états d'ùmes de plusieurs ministres.

Le vote des dĂ©putĂ©s du Rassemblement national (RN) en faveur de la version finale du projet de loi et leur revendication d'une "victoire idĂ©ologique", ont Ă©branlĂ© la macronie. OĂč la censure des articles les plus corrosifs est dĂšs lors attendue comme une Ă©chappatoire par certains.

Le Conseil constitutionnel n'est pas "une chambre d'appel des choix du Parlement", a récemment mis en garde son président, l'ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius.

Une façon de rappeler que l'institution "n'est pas lĂ  pour rattraper nos bĂȘtises", interprĂšte l'un des 27 dĂ©putĂ©s du camp prĂ©sidentiel qui ont votĂ© contre la loi Ă  l'AssemblĂ©e (face Ă  189 pour, et 32 abstentions).

- "Préférence nationale" -

Les neuf Sages appliqueront quoi qu'il en soit leurs critÚres habituels: ils retoqueront les "cavaliers législatifs", c'est-à-dire les ajouts jugés sans lien suffisant avec l'objet de la copie initiale du gouvernement. Et censureront les articles bafouant sur le fond les principes et valeurs constitutionnels.

Leur dĂ©cision promet d'ĂȘtre longue: le texte est passĂ© de 27 articles Ă  86, sous l'effet surtout des ajouts obtenus par Les RĂ©publicains (LR) au SĂ©nat, puis entĂ©rinĂ©s en commission mixte paritaire (CMP) aprĂšs le rejet du texte en premiĂšre lecture Ă  l'AssemblĂ©e nationale.

Emmanuel Macron, qui a lui-mĂȘme saisi le Conseil constitutionnel, a demandĂ© que le texte soit passĂ© au peigne fin, sans pointer de mesure spĂ©cifique.

Mais plusieurs dizaines sont ciblées dans les saisines des députés et des sénateurs de gauche, et quatre mesures en particulier dans celle de la présidente macroniste de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, car jugées "cavaliÚres" ou inconstitutionnelles, voire les deux.

Est notamment visée la durée de résidence exigée pour que des non-Européens puissent bénéficier de certaines prestations sociales, dont les allocations familiales, fixée à cinq ans pour ceux ne travaillant pas et 30 mois pour les autres.

Pour l'Aide personnalisée au logement (APL), ces deux seuils ont été fixés à cinq ans et 3 mois.

Une consécration de la "préférence nationale" chÚre au RN, se réjouit ce dernier et accuse la gauche. Un faux procÚs, se défend l'exécutif, soulignant qu'un tel délai de carence de 5 ans existe déjà pour toucher le RSA.

- LR aux aguets -

Parmi les autres mesures contestées figurent aussi des durcissements des conditions du regroupement familial, comme l'allongement de la durée de résidence pour y prétendre, de 18 à 24 mois. Une violation du droit à une vie familiale normale et au principe d'égalité, estiment les requérants.

L'instauration de "quotas" fixés par le Parlement pour plafonner le nombre d'étrangers admis sur le territoire est aussi remise en cause. Ainsi que la caution demandée aux étudiants étrangers, ou encore la fin de l'automaticité de l'obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers.

Le Conseil "est dans une situation politique complexe", observe la constitutionnaliste Anne-CharlĂšne Bezzina. "Il sait que s'il censure beaucoup de choses, il arrange paradoxalement le camp prĂ©sidentiel. Sa dĂ©cision est donc, mĂȘme s'il juge uniquement de la constitutionnalitĂ© des lois, Ă©minemment politique".

Si des mesures sont retoquées sur le fond, "ce sera de la responsabilité du président de la République de proposer une réforme constitutionnelle pour atteindre les objectifs", a déjà lancé mercredi dernier Olivier Marleix, le président des députés LR.

Mais la réforme de la Constitution réclamée par LR, qui souhaite pouvoir déroger aux rÚgles de l'UE, est exclue par la majorité, dénonçant un "Frexit".

A l'approche des élections européennes, le bras de fer avec la droite sur l'immigration promet donc de se poursuivre.

AFP

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