L'Italie a rejoint la France mercredi pour rĂ©clamer un report de l'accord commercial entre l'Union europĂ©enne et le Mercosur, ce qui risque d'empĂȘcher Ursula von der Leyen de parapher ce traitĂ© en fin de semaine, au grand dam du BrĂ©sil.
Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lùché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.
La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".
Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.
Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.
Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.
"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".
- "Billet remboursable" -
La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.
Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacitĂ© de former une minoritĂ© de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empĂȘcherait un examen de l'accord durant la semaine.
"Ca risque d'ĂȘtre trĂšs chaud", convient un diplomate europĂ©en anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traitĂ© de libre-Ă©change le plus vite possible.
Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.
Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de maniÚre trÚs ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.
Paris ne considÚre pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.
"J'espÚre qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.
- Manifestation Ă Bruxelles -
Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiÚte les filiÚres concernées.
Les agriculteurs européens ne décolÚrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.
Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.
Un compromis a Ă©tĂ© trouvĂ© mercredi soir sur ce volet entre des eurodĂ©putĂ©s et des reprĂ©sentants des Ătats membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supĂ©rieures Ă ce qu'avaient votĂ© les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptĂ©e par le Parlement europĂ©en mardi.
Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).
Et au sein de l'Union europĂ©enne, une sĂ©rie d'Ătats redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire Ă©chouer le traitĂ©, malgrĂ© plus de 25 ans de nĂ©gociations.
Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant Ă eux sur cet accord pour relancer une Ă©conomie europĂ©enne Ă la peine face Ă la concurrence chinoise et aux taxes douaniĂšres des Ătats-Unis.
Par Baptiste BECQUART - © 2025 AFP


