Affaire Tariq Ramadan

Mobilisation grandissante autour de son sort judiciaire

  • PubliĂ© le 23 fĂ©vrier 2018 Ă  16:50
  • ActualisĂ© le 23 fĂ©vrier 2018 Ă  16:52
L'islamologue Tariq Ramadan le 26 mars 2016 lors d'une conférence à Bordeaux

PĂ©tition, "tempĂȘte" de tweets, vidĂ©os de l'Ă©pouse... Le maintien en dĂ©tention de l'intellectuel musulman Tariq Ramadan a dĂ©clenchĂ© une campagne de protestation trĂšs active dans les milieux de l'islam militant, mais aussi du cĂŽtĂ© de recteurs de mosquĂ©es reconnus.


Depuis quelques semaines, des voix s'élÚvent pour s'émouvoir du traitement judiciaire du théologien suisse de 55 ans, mis en examen pour viols et écroué depuis le 2 février, estimant sa présomption d'innocence bafouée et son état de santé ignoré.
La cour d'appel de Paris a décidé jeudi de maintenir en détention provisoire le conférencier, qui clame son innocence et avait demandé sa remise en liberté en affirmant souffrir d'une sclérose en plaques et d'une neuropathie. L'expert médical désigné par la chambre de l'instruction a toutefois jugé son état compatible avec une incarcération.
Dans la rue, la mobilisation a été jusqu'alors trÚs modeste. Environ 80 personnes se sont rassemblées jeudi devant le Palais de justice de Paris pour protester contre son maintien en détention. Samedi dernier, à Casablanca (Maroc), une "conférence de solidarité avec Tariq Ramadan" s'était transformée en rassemblement d'une quarantaine de manifestants.
C'est sur internet que les soutiens se comptent et relaient la riposte. Elle s'est organisée autour du mouvement "Résistance & Alternative" créé fin janvier pour continuer à promouvoir la "pensée" du petit-fils du fondateur de la confrérie des FrÚres musulmans, qui a toujours affiché un discours réformiste quand ses détracteurs y voyaient le projet d'un islam politique.
Des proches de l'intellectuel ont lancĂ© sur les rĂ©seaux sociaux des comptes #FreeTariqRamdan. Sous ce mot-clĂ©, une "tweetstorm" (tempĂȘte de tweets) a Ă©tĂ© lancĂ©e, de mĂȘme qu'une pĂ©tition en ligne affichant plus de 100.000 signatures pour la libĂ©ration du "Professeur Tariq Ramadan".
La campagne a relayé deux vidéos de la femme du théologien, Iman Ramadan, respectivement visionnées prÚs de 700.000 et plus de 160.000 fois. "Il y a tout lieu de se poser des questions et de se demander si derriÚre tout ça, il n'y a pas une vraie volonté politique à vouloir garder mon mari en prison", argue l'épouse dans la seconde vidéo.
Hani Radaman, frĂšre sulfureux de Tariq, et Yamin Makri, directeur des Ă©ditions Tawhid Ă  Lyon, sont mĂȘme allĂ©s jusqu'Ă  s'en prendre aux deux plaignantes en criant au complot "sioniste", mĂȘme si cette position reste trĂšs minoritaire chez les personnalitĂ©s soutenant l'islamologue.

- "Lynchage médiatico-politique" -

Une soixantaine de militants de l'antiracisme politique ou d'un islam identitaire ont, eux, signé une tribune réclamant "une justice impartiale et égalitaire". Parmi eux, la porte-parole des IndigÚnes de la République Houria Bouteldja, Nabil Ennasri qui a consacré une longue vidéo à l'affaire, mais aussi l'ancien directeur du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), Marwan Muhammad, auteur par ailleurs d'un texte sur le sujet.
Longtemps prudents et silencieux sur un dossier qui trouble, voire divise leurs fidĂšles, des recteurs de mosquĂ©es ont pris plus clairement la parole ces derniers jours en faveur de "frĂšre Tariq". "Tariq Ramadan c'est notre frĂšre (...), jusqu'Ă  preuve du contraire il est innocent", a dit Ă  Lille Amar Lasfar, prĂ©sident des Musulmans de France (ex-UOIF), qui gravite dans l'orbite des FrĂšres musulmans. A Marseille, l'imam Ismail Abou Ibrahim a fait de mĂȘme.
Les recteurs Azzedine Gaci (Villeurbanne), visage libéral de la succursale "frériste", et surtout Kamel Kabtane (Lyon) ont pu surprendre en réclamant la "libération immédiate" du conférencier, victime selon eux "d'un lynchage médiatico-politique".
Ces marques de soutien plus ou moins appuyĂ©es ne font pas l'unanimitĂ© dans les rangs musulmans, oĂč l'Ă©toile de Tariq Ramadan a pĂąli ces derniĂšres annĂ©es, suscitant indiffĂ©rence ou rejet.
"Premier site d'information de l'islam francophone", le média Oumma.com s'en est ainsi pris aux "prédicateurs et militants associatifs" qui "exploitent cette terrible affaire à des fins bassement carriéristes". Et promis d'informer sur l'affaire "de la maniÚre la plus équilibrée possible".

Par Henry MORALES ARANA - © 2018 AFP

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