Les candidats à l'élection présidentielle de Taïwan tiennent vendredi leurs derniers meetings de campagne à la veille d'un scrutin sous la pression croissante de Pékin, qui revendique la souveraineté de l'île, et le regard attentif de Washington.
Trois hommes se disputent la présidence, dans cette élection à un tour: le vice-président sortant Lai Ching-te du Parti démocratique progressiste (DPP), Hou Yu-ih du Kuomintang (KMT) et Ko Wen-je du petit Parti populaire de Taïwan (TPP).
Le territoire de 23 millions d'habitants, situé à seulement 180 kilomètres des côtes chinoises, est considéré comme un modèle de démocratie en Asie.
Jeudi, la Chine a appelé les électeurs de Taïwan à faire "le bon choix", critiquant Lai Ching-te, donné comme favori, comme "un grave danger" pour ses positions en faveur de l'indépendance.
"Cette élection suscite un intérêt accru, notamment parce que le contexte géopolitique de la région a très significativement évolué depuis les dernières élections de 2020, surtout en termes de coercition militaire, politique, informationnelle de la Chine à l'égard de Taïwan", explique à l'AFP Marc Julienne, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri), venu à Taipei pour l'occasion.
"Le triangle Chine/Etats-Unis/Taïwan devient de plus en plus tendu", ajoute-t-il.
- "Etat souverain" -
Le statut de Taïwan est l'un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, premier soutien militaire du territoire, et Washington a prévu d'envoyer une "délégation informelle" sur l'île après le vote.
Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken rencontrera à Washington Liu Jianchao, à la tête de la division internationale du Comité central du Parti communiste chinois.
Les Etats-Unis "estiment qu'il revient aux électeurs de Taïwan de décider de leur prochain dirigeant librement et sans ingérence extérieure", a déclaré jeudi le porte-parole du département d'Etat, Vedant Patel.
Toute la semaine, Pékin a accentué sa pression diplomatique et militaire sur Taïwan, et jeudi cinq ballons chinois ont encore franchi la ligne médiane séparant l'île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, qui a aussi repéré dix avions et six navires de guerre.
Les Etats-Unis ont mis en garde la Chine contre toute réaction au résultat sous forme de "plus de pression militaire ou des actions coercitives".
Pékin leur a rétorqué jeudi de ne "pas se mêler des élections de la région de Taïwan, sous quelque forme que ce soit, afin d'éviter de nuire gravement aux relations sino-américaines".
Le favori des sondages est Lai Ching-te, dont le parti clame que Taïwan est déjà un Etat indépendant de facto, à l'inverse du KMT, principal parti d'opposition, qui prône un rapprochement avec la Chine.
"Taïwan est un Etat souverain et indépendant", assure Monica, une supportrice de Lai Ching-te âgée de 48 ans. "C'est pourquoi nous élisons notre prochain président".
"Taïwan n'appartient pas à la Chine", renchérit une autre électrice, Sylvia, 31 ans. "Dans les faits nous sommes déjà indépendants, pas dans la loi".
- "Action militaire" -
Depuis 2016, Pékin a coupé toute communication de haut niveau avec Taïwan pour protester contre l'élection de la présidente actuelle, Tsai Ing-wen, également du DPP.
"La Chine craint qu'une administration DPP réélue sous l'égide de Lai ne se prononce en faveur de l'indépendance formelle de Taïwan, une mesure que Pékin menace d'empêcher par une action militaire", souligne James Crabtree, expert du Conseil européen des relations internationales (ECFR).
Mais "les tensions accrues autour de Taïwan posent un vrai problème à Washington, qui cherche à désamorcer ses propres tensions avec la Chine".
Mardi, Lai Ching-te a dénoncé à nouveau les tentatives d'ingérence de Pékin "par tous les moyens", dont "l'intimidation politique et militaire".
Il a promis de maintenir le dialogue avec la Chine mais a mis en garde: "Accepter le principe chinois d'+une seule Chine+, ce n'est pas la vraie paix. La paix sans la souveraineté, c'est juste comme Hong Kong. C'est une fausse paix".
"Nous devons exprimer à la Chine notre souhait de communiquer", a également estimé jeudi Ko Wen-je, du TPP. Mais "nous voulons préserver notre démocratie, notre liberté et notre mode de vie".
"Quoi qu'en pense la Chine, ce que l'opinion publique à Taïwan veut que nous fassions c'est maintenir le statu quo", a pour sa part promis Hou Yu-ih du KMT.
AFP