Arrêts maladie psychiatriques : quand la fraude fragilise les vrais malades

  • Publié le 21 octobre 2025 à 15:26
Santé mentale

Une enquête pour escroquerie vise un médecin psychiatre de l'est de l'île. Il est soupçonné d'avoir délivré des arrêts maladie de complaisance contre rémunération. Selon nos informations, des signalements ont déjà été effectués à l’ordre des médecins et une procédure est en cours. Une affaire qui interroge sur les dérives qui peuvent exister et qui pénalisent, malheureusement, les personnes réellement souffrantes. (Photo www.imazpress.com)

Alors que la santé mentale reste un défi majeur à La Réunion, avec des hospitalisations psychiatriques en hausse, notamment sous contrainte, ce scandale jette une ombre sur un système déjà fragilisé, où la souffrance psychique explose et où les contrôles se multiplient. 

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À La Réunion, les arrêts maladie pour troubles psychiques se multiplient. En 2023, la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) a déboursé 114 millions d’euros en indemnités journalières, dont une part importante liée à l’épuisement professionnel. Les cas de burn-out, de troubles anxieux et de dépression sont devenus la première cause d’arrêt maladie sur l’île. "La société ne va pas bien. L’épuisement professionnel et psychique explose", confie un médeci

Chantale*, employée dans une collectivité du sud de l'île, en a fait les frais.
"J’avais des plaques sur le visage, des insomnies, la boule au ventre le matin. J’ai perdu sept kilos en moins d'un mois", raconte-t-elle.
Au départ, elle refuse d’y voir un problème de santé. "J'ai commencé à faire des erreurs de débutante mais je me disais que c’était juste la pression du travail".
Mais après un rendez-vous chez son médecin généraliste, le diagnostic finit par tomber : dépression et burn-out.

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D'abord arrêtée pour trois semaines, elle n'accepte pas la maladie et s'obstine à aller travailler. "Au bout d'une semaine, je suis retournée chez le médecin qui m'a dit qu'il fallait vraiment prendre mon état au sérieux", explique Chantale. "J'ai fini par accepter mon diagnostic au bout de trois mois". Après un mois et demi de congés maladie, elle est redirigée vers un psychiatre qui confirme le diagnostic et prescrit un congés longue maladie (CLM).

Au total, Chantale sera arrêtée un an, avec des congés à renouveler tous les trois mois. Pendant cette période, elle tente de tenir le coup, entre traitements, démarches administratives et fins de mois difficiles.
En moins d'un an, la mère de famille perd 20 kilos. "Quand on est comme ça, on n'a plus envie de manger, on a des idées noires et même les gestes les plus simples comme prendre une douche deviennent impossibles".

"Après 90 jours, je suis passée à demi-traitement. Savoir que j'allais recevoir la moitié d'un salaire était une source de stress supplémentaire", elle se souvient. "Seule avec trois enfants, c’était très dur. Je pleurais toute la journée, mais le soir je faisais bonne figure pour eux".

- Une lente reconstruction -

Pour Chantale, le retour à la vie professionnelle a été progressif.
"J’ai repris en temps partiel thérapeutique. D'abord à 50 %, puis 70 %, avant de revenir à temps plein. Je voulais changer de poste, c’était une condition pour ne pas rechuter". Son témoignage rappelle que derrière chaque arrêt maladie, il y a une histoire. "C’est une maladie qui ne se voit pas et pour ma part, c'est arrivée en même temps que ma séparation, ce qui n'a pas aidé. Le suicide m’est passé par la tête plusieurs fois. Ce qui m’a sauvée, c’est ma famille et mes enfants".

Une fois rentrée au travail, des rendez-vous réguliers avec la médecine du travail et son médecin généraliste ont permis de faire un suivi. "Aujourd'hui, ça se passe très bien et le travail m'aide même à tenir le cap quand les petits problèmes de la vie se font sentir"

- Des arrêts longs… et coûteux -

À La Réunion, près de 500.000 arrêts maladie sont prescrits chaque année.
Et si 75 % d’entre eux durent moins de 30 jours, les arrêts longue durée (plus de six mois), représentent seulement 5 % des cas, mais 40 % des dépenses de l’assurance maladie. "Nous constatons une hausse continue des arrêts liés à l’épuisement et aux troubles anxieux", confirme le docteur Lefort, de la CGSS.

Le phénomène s’explique aussi par la transformation du travail : télétravail, surconnexion, isolement, perte de repères. "Depuis le Covid, beaucoup de salariés ne savent plus où s’arrêter. Ils sont sollicités en permanence et finissent par craquer", explique Corinne Dubois, directrice régionale de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) de La Réunion.

- Les arrêts de complaisance sont fréquents -

L’affaire du psychiatre de l’est vient ternir un climat déjà tendu.
 S’il reste à démontrer la véracité des faits, le soupçon d’arrêts de complaisance rémunérés soulève une question de fond : comment distinguer les fraudeurs des malades sincères ?

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Les contrôles de l’Assurance maladie se sont renforcés ces dernières années. Les médecins-conseils convoquent les assurés, les agents assermentés vérifient les domiciles, et les prescripteurs jugés "atypiques", comme ceux qui délivrent un nombre d’arrêts supérieur à la moyenne, sont surveillés. Mais ces dispositifs, s’ils visent à limiter les abus, alimentent aussi la méfiance.

Dans son rapport d’application sur les lois de financement de la Sécurité sociale, présenté mercredi 29 mai 2024, la Cour des comptes recommande de durcir les règles : rallonger le délai de carence, réduire la durée maximale d’indemnisation ou limiter les arrêts de courte durée pris en charge. Mais pour les professionnels, la priorité devrait rester l’écoute et la prévention. "On ne soigne pas la souffrance au travail avec des sanctions", souligne Corinne Dubois.

Car si certains fraudent, la majorité ne demande qu’à respirer.
 Et comme le dit sobrement Chantale : "Le plus dur, ce n’est pas d’être malade. C’est d’accepter qu’on a le droit de l’être. Le secret, c’est de bien être entourée".

vg / www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

* prénom d'emprunt

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12 Commentaires
Internaute
Internaute
1 jour

Merci pour cet article, pour son titre, le plus mature et le plus pro, le plus humain et au ton le plu ajuste de toute la toile sur cette affaire... à des milliards de kilomètres de la calomnie facile organisée sur le site et la radio Freedom par exemple. On mesure en lisant un vrai journaliste à quel point Frankie et sa bande de minables salissent notre île et qui maintient le niveau de réflexion au niveau zéro. Longue vie à Imazpress.

Gaby
Gaby
1 jour

Vous êtes qui pour juger de l'état mental d'une personne ?
Oui un malade a besoin de sortir pour respirer, le médecin lui conseille de faire du sport aussi pour retrouver son équilibre.
Avec l'esprit Français en terme de management et les petits chefs partout ce n'est vraiment pas étonnant.

Pom
Pom
1 jour

Quand je lis les commentaires, je me dis qu'il n'y a qu'une solution. Supprimer la sécu. Que chacun s'assure, se gère, choisisse ce qu'il veut comme couverture santé, retraite etc, comme dans bcp d'autres pays. Retour à la responsabilité individuelle.

martin voleur papaye
martin voleur papaye
1 jour

Que cette histoire serve à justifier les abus de la CGSS contre le peuple pour faire des économies, c'est nauséabond! L'Etat français maintient son train de vie et le peuple doit subir? Le trou de la sécu n'a pas été fait par ce médecin ni par les malades! Il y a des systèmes de contrôle!
C'est bien la mauvaise gestion des deniers publics par des élus (et leur SPL) qui entraînent des dérives financières! Rien sur le déficit de la SPL Estival où des millions d'euros ont disparus sans justificatif! Rien sur la SPL musées régionaux! D'un côté, des élus qui abusent et de l'autre, à cause d'une secrétaire frauduleuse, on entâche la réputation d'un médecin! Il travaille à 80 ans, comme le veut l'Etat! Pas de retraite!

Java
Java
1 jour

Je pense que vous confondez tout !
Ce ne sont pas les abus de la CGSS contre le peuple dont il est question mais bien du contraire ! Tous ces gens qui usent et abusent du système et qui vont chez le médecin pour une broutille qu’ils pourraient gérer tout seuls. Tout comme ceux qui vont aux urgences pour un rhume ….

A qui profite le crime
A qui profite le crime
1 jour

Et la présomption d'innocence!
Ce médecin a sauvé des vies dans l'Est! Les collectivités territoriales, les hôpitaux, l'Education Nationale, les services de l'Etat sont des lieux de travail pathogènes où le harcèlement moral est devenu monnaie courante! Le pouvoir politique s'y exerce et les employés y subissent des contraintes qui n'ont rien à voir avec un travail!
Des contrôles des arrêts maladie par des expertises sont possibles par les employeurs en cas de doute et sont obligatoires sur des procédures de longues maladies (CLM ou CLD)! Les experts seraient aussi complices, selon les journalistes? Combien de travailleurs veulent mettre fin à leurs jours, combien d'employés sont victimes?
La question est : qui le Dr Reversy gêne-t-il pour qu'on le force à aller à la retraite de force! Nos élus de l'Est qui ont explosé les quotas d'arrêt de travail dans les collectivités, sous un seul mandat?

Système
Système
1 jour

C’est Un personnage controversé lisez son livre vous aurez un aperçu

Aurelie
Aurelie
1 jour

Excellent commentaire. J'approuve à 100% ce que vous écrivez.

Vazah
Vazah
1 jour

Mon voisin fait des travaux chez lui et est en arrêt de travail 6 mois de l’année. Il vit sous les cocotiers, au soleil, se promène, fait du vélo, profite de nos paysages et climat favorable. Comme il ne veut payer personne (aucune entreprise), il fait tout mais avec arrêt de travail : elle n’est pas belle la vie. . .

Gedufler
Gedufler
1 jour

Mais c’est quoi ce commentaire de délation

Payet
Payet
1 jour

C est pour ce genre d individus profiteurs que les autres sont pénalisés.
Je pense à ceux qui souffrent réellement dans leur vie de tous les jours , harcelés par le patron , le chef d établissement, les parents …….

Et la France est en déficit ne pouvant accorder un congé à ceux qui en ont réellement besoin.

Marie
Marie
1 jour

Vazah n'a pas tout à fait tort. On connait tous un voisin ou une connaissance qui abuse du système.