Proposition de loi

Assemblée nationale : Karine Lebon demande réparation pour les enfants de la Creuse

  • Publié le 27 mars 2025 à 08:01
  • Actualisé le 27 mars 2025 à 17:04
Stéle hommage aux enfants de la Creuse

La députée réunionnaise Karine Lebon a déposé ce mercredi 26 mars 2025, une proposition de loi pour obtenir une reconnaissance officielle et des mesures de réparation en faveur des "ex-mineurs réunionnais dits de la Creuse", victimes de la politique de transplantation menée par l’État entre 1962 et 1984. Le dépôt de ce texte a fait l'objet d'une cérémonie devant le palais Bourbon à Paris, en présence du ministre des Outre-mer, Manuel Valls. (Photo : rb/www.imazpress.com )

C'est à 17h30, heure de La Réunion, sur la place du président Edouard Herriot, à quelques encablures de l'Assemblée nationale, que le rassemblement était fixé par la députée Karine Lebon. Étaient présents pour ce moment symbolique, Manuel Valls, le ministre des outre-mer, Marie-Germaine Périgogne, survivante et présidente de la FEDD (Fédération des enfants déracinés des DROM), ou encore Guido Fluri, président de la fondation éponyme et de Justice Initiative.

"Le principe de la réparation sera acté mais le montant ne peut pas être inscrit dans la loi", a précisé Karine Lebon au cours du rassemblement devant le palais Bourbon.

"Des lois votées à l’Assemblée qui attendent ad vitam æternam au Sénat, il en existe. On a dit à Manuel Valls, "ne nous faites pas ce coup-là" », a-t-elle encore lancé, appelant le ministre des Outre-mer, à appuyer le calendrier.

Karine Lebon a dit espérer que la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale accepterait d’inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi, pour un passage en séance début juin.

Manuel Valls a assuré être prêt "pour qu’on aille le plus loin possible dans cette reconnaissance" et "trouver la meilleure des solutions", sans pour autant s’engager formellement.

- Une bataille politique et citoyenne -

"La bataille juridique seule est insuffisante. Elle ne peut remplacer les batailles politiques et citoyennes", a souligné au cours d’une conférence de presse Me Élisabeth Rabesandratana, avocate de la Fédération des enfants déracinés d’Outre-mer (FEDD), regroupant plusieurs associations de victimes qu’elle a félicitées pour leur "ténacité".

Car entre 1962 et 1984, ce sont plus de 2.000 enfants réunionnais qui ont été arrachés à leur famille et envoyés en France hexagonale dans le cadre d’une politique de transfert pilotée par l’État. 

Placés dans des foyers ou des familles adoptives, souvent dans des conditions précaires, ces enfants ont été déracinés, coupés de leur culture et de leur identité. Certains ont subi des maltraitances et des abus. Cette politique visait à repeupler certaines zones rurales de l’Hexagone.

Karine Lebon rappelle l’impact de cette politique sur plusieurs générations : "Sans réparation, il n’y a pas de justice". La députée estime qu’il est temps que l’État reconnaisse sa responsabilité dans cette page sombre de l’histoire de France.

- Un texte pour la reconnaissance et la réparation -

La proposition de loi déposée par Karine Lebon prévoit une reconnaissance officielle des préjudices subis par les "ex-mineurs réunionnais dits de la Creuse" et la mise en place de mesures de réparation. 

Lire aussi - 47 "enfants de la Creuse" de retour sur leur terre natale

Le texte propose la création d’un centre de mémoire et de ressources dédié aux survivants, la mise en place d’un dispositif de soutien psychologique et financier, ainsi que l’instauration d’une journée nationale de commémoration.

Le 7 avril 2023, 47 ex-mineurs Réunionnais dits de la Creuse atterrissaient sur le sol de leur terre natale. Pour certains, c’était la première fois depuis leur exil qu’ils rentraient à La Réunion. L’occasion pour ces hommes et ces femmes de retrouver leur famille.

Valérie Andanson, exilée à l'âge de 3 ans, fait partie des 2.000 histoires difficiles des enfants de la Creuse.  Elle est porte-parole de la Fédération des enfants déracinés des départements et régions d’Outre-mer. En 2023, elle avait accepté de prendre la parole pour évoquer "un moment intense en émotion". Regardez:


 

Marie-Germaine Périgogne, présidente de la Fédération des Enfants Déracinés des DROM (FEDD) et elle-même victime de cette politique, soutient activement cette initiative. 

"Nous avons tous été considérés comme des pupilles de l’État, nés sous X. On nous a imposé un changement d’identité, de culture et de vie", témoigne-t-elle. Après une longue bataille, elle a pu récupérer en septembre 2024 son véritable nom et son acte de naissance, 58 ans après son arrivée en France métropolitaine.

Lire aussi - Enfant de la Creuse, Marie-Germaine Périgogne retrouve sa véritable identité

Jean-Charles Serdagne, autre victime de ce programme, exprime son soutien au projet de loi : "Il est temps que l’État français soit à notre écoute pour que l’on puisse mourir dignement". Marie-Josseline Leste ajoute : "J’aimerais tant revenir vivre sur mon île natale, j’ai tellement souffert de cet exil".

- Un soutien gouvernemental et une ouverture européenne -

Le 19 février 2025, le ministre d’État chargé des Outre-mer, Manuel Valls, avait annoncé son soutien à la proposition de loi devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. Ce soutien pourrait faciliter l’adoption du texte dans les prochaines semaines.

Lire aussi - A la recherche de leur identité volée : le douloureux parcours des Enfants de la Creuse

Cette initiative s’inscrit par ailleurs dans le prolongement de la Résolution 2533 du Conseil de l’Europe, adoptée en janvier 2024, qui recommande aux États membres de reconnaître les abus subis par les enfants placés en institution et de mettre en place des mesures de réparation. Guido Fluri, à l’origine d’une initiative similaire en Suisse, estime que la France pourrait s’inspirer du modèle helvétique : "Il est grand temps que les survivants d’abus du reste de l’Europe, y compris les ex-mineurs réunionnais, obtiennent eux aussi justice".

Si la proposition de loi de Karine Lebon est adoptée, la France rejoindrait d’autres pays européens engagés dans un processus de reconnaissance et de réparation pour les victimes de maltraitance infantile.

pb/www.imazpress.com / [email protected] avec l'AFP

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7 Commentaires
Sylvie MARIE
Sylvie MARIE
8 mois

Depuis que j'ai eu connaissance de ce drame humain, par le biais d'un téléfilm diffusé sur France 2, je n'ai eu cesse, à mon humble niveau, d'en parler autour de moi (+ de 30 ans que je raconte, me renseigne, suit le résultat des recours juridiques posés). Personne autour de moi ne connaissait cette histoire, ce qui me rendait folle ! De la même génération que la plupart des enfants (1962), j'aurais pu, mois aussi, si j'étais née à la Réunion, faire partie "du lot". Ecrivaine sur le tard, mon second roman transporte mon héroïne en Creuse où elle prend connaissance de ces dérives gouvernementales. J'ai des attaches en Creuse, du fait de mon mariage avec un creusois d'origine. J'ai la simple volonté de raconter votre histoire, votre drame de vie, à un public que j'espère le plus large possible (bon : je ne suis pas Amélie Nothomb et le tirage de mon premier roman n'atteinds pas ses records). Je souhaite juste porter moi aussi ma pierre à l'édifice ! Cordialement, Sylvie MARIE

Pitou
Pitou
8 mois

Notre combat a commencé en 2002 avec Mr Jean Jacques Martial en 2015 on avait posé des dossiers au tribunal Administrative de Bordeaux, ça étais rejetté. C'est bien de récupéré tout ça. Mais ils faut pensée à tous ce qui ont fait pour qu'on soit arrivé là, les Anciens qu'on oublie trop vite , les Association qui se sont battu pendant plus de vingt ans , ce qui sont partis trop , ce qui souffrance encore de cette ( Déportation) . La Souffrance d'un Enfants n'a pas de prix ?
Président de l'Association Génération Brisée.

Techer
Techer
8 mois

C'est un combat important. Faut aller aussi loin que possible et s'en souvenir
.

Didier
Didier
8 mois

Bravo à Mme LEBON pour défendre ce genre de combat non prioritaire lors qu'il me semble qu'il y ait plus urgent à traiter 😐

Juju
Juju
8 mois

Pour certains si il n’y avait pas la creuse ils seraient aujourd’hui sdf ou en prison . Il ne faut pas voir que le négatif. Mme il y à beaucoup de chose plus importante à defendre

Will
Will
8 mois

la seule réparation serait dans l'ouverture totales des archives pour chacun puisse connaitre sa propre histoire et renouer les liens qui ont été cassés avec sa famille.

SARDA
SARDA
8 mois

Demandons aussi pour l'esclavage survenu à la Réunion. Combien sont morts dans les champs café, thé coton , canne et dans les usines....Eux non pas de droit ?