Fin de l'accord céréalier entre la Russie et l'Ukraine

La grande peur d'une nouvelle envolée des prix des céréales et du pain

  • Publié le 20 juillet 2023 à 09:13
  • Actualisé le 20 juillet 2023 à 10:26

La guerre entre la Russie et l'Ukraine n'en finit plus de faire rage. Ce lundi 17 juillet 2023, la Russie a annoncé suspendre sa participation à l'accord sur les exportations de céréales en mer Noire. "L’accord de la mer Noire s’est de facto terminé aujourd’hui", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Moscou estimant que ses propres exportations sont entravées et que les conditions de sa participation ne sont pas remplies. Mais la suspension de cet accord céréalier fait craindre une envolée des prix à La Réunion, déjà fortement impactée par l'inflation. (Photo Boulangers photo RB / ImazPress)

Parmi les premiers concernés, les artisans boulangers de La Réunion. Chez Écrin de Douceur à Saint-Denis, ouvert il y a trois ans, la crainte est là. D'autant plus que depuis l'ouverture, "on est à 45% d'augmentation en moyenne, que cela soit sur l'huile, le beurre, la farine, la crème ou encore le sucre". Seule solution pour lui, geler les prix avec son fournisseur.

Un entrepreneur obligé de mettre des employés au chômage pour survivre. "Depuis le début j'ai mis cinq salariés au chômage pour pouvoir acheter des matières premières et à la place j'ai pris des apprentis", explique Karim Abbas Bhay.

Pour autant, et malgré les hausses qui subsistent dans le milieu et qui, en raison de la guerre entre la Russie et l'Ukraine risquent de perdurer et de s'accentuer, "on ne peut pas se permettre d'augmenter les prix des ventes". "Le portefeuille des consommateurs est à 80% contrôlé par les industriels donc on n'augmente pas sinon les gens vont acheter ailleurs."

Face à cette situation, Karim Abbas Bhay craint le pire. Il le dit lui-même, "dans cinq ans si tout n'est pas stabilisé, soit je ferme, soit je vends, soit je quitte la France". "À un moment on ne pourra pas continuer comme ça."

- Un avenir fait d'incertitudes et de concessions -

Pour Jean-Jacques Ouhayoun, gérant de la boulangerie La Cardinale, "difficile de se projeter", de craindre ou pas la flambée des prix. "Tout dépend du stock, s'il y en a on peut tenir quelques mois avec ces prix-là, tout dépend du cours du blé."

Après, il le dit clairement, "l'Ukraine a bon dos. Il ne faut pas que cette guerre serve de prétexte pour augmenter les prix toutes les cinq minutes".

Jean-Jacques Ouhayoun précise également que "tant qu'on arrive à stabiliser une marge correcte ça va, même si on a perdu quelques points".

Il explique toutefois faire des concessions pour se maintenir à flot. "On fait des économies sur les postes pas forcément indispensables. Par exemple, on ne va pas se lancer dans des campagnes ou alors dans la rénovation des magasins cette année."

Norbert Tacoun, président de la Fédération réunionnaise des artisans boulangers-pâtissiers ne craint pas une flambée des prix comme le redoute le ministre de l'Agriculture. "Pour le moment il n'y a pas de raison, il n'y a pas lieu de s'affoler." "La guerre en Ukraine a bon dos avec souvent des augmentations injustifiées."

Ce qu'il constate même, c'est une stabilisation voire même une baisse des prix de certaines matières premières comme le beurre, ou la farine. Par contre, la filière connaît d'énormes augmentations sur le chocolat "et ça personne n'en parle".

Ce qui l'impacte davantage, c'est la masse salariale. "On a eu une augmentation de plus de 6% l'année dernière."

Si les professionnels de la boulangerie seront forcément impactés plus ou moins par la suspension de la Russie à sa participation à l'accord sur les exportations de céréales en mer Noire, ils ne sont pas les seules.

Les agriculteurs, déjà très impactés par la hausse des intrants, devront également mettre la main à la poche.

"Il y a un risque", note Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture. "Il y a un risque de déstabilisation du cours du céréale et avec la flambée des prix qu'on a déjà connu il va y avoir des répercussions sur le marché des céréales, notamment pour l'élevage", dit-il.

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- Peu de changements à court terme... -

Pour l'heure, le cours du blé conserve sa relative stabilité, malgré la fin des exportations. "C'est une période calme sur les marchés, qui ont très peu réagi à la suspension de l'accord", explique Gautier Le Molgat, analyste au cabinet Agritel, auprès de l'AFP. Le cours du blé a ainsi augmenté de moins de 1%, à 232 euros la tonne ce mardi, très loin des 369 euros la tonne atteints en mai 2022.

Une situation qui s'explique par un poids moins important des céréales ukrainiennes sur le marché mondial. En deux ans, leur production a diminué presque de moitié, d'après les estimations du ministère américain de l'Agriculture.

L'impact de la fin de l'accord est également atténué par l'actuelle période de récolte que connaissent les pays de l'hémisphère nord.

- ... mais des inquiétudes plus lointaines -

Toutefois, si la Russie ne change pas d'avis, l'accalmie sur les cours pourrait ne pas durer. "Une fermeture durable du corridor aura un impact sur l'inflation alimentaire", prévient Olia Tayeb Cherif, responsable d'études au sein de la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (Farm), auprès de l'AFP.

Pourtant, cet accord, signé en juillet 2022, et déjà reconduit à deux reprises, est d’une importance cruciale pour les marchés mondiaux : il a garanti au cours de l’année écoulée le passage sécurisé des cargos depuis et vers les ports ukrainiens malgré la guerre, transportant au total près de 33 millions de tonnes de céréales destinées aux marchés mondiaux.

Une décision jugée "cynique" par la France, estimant que Moscou devait "cesse son chantage sur la sécurité alimentaire mondiale".

"La Russie est seule responsable du blocage de la navigation dans cet espace maritime et impose un blocus illégal aux ports ukrainiens", a estimé dans un communiqué la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, exhortant la Russie à "revenir sur sa décision".

Mais face à la suspension de la Russie, il n'est à craindre que le pire pour l'économie. "Les prix pourraient même grimper" en France, selon le ministre de l'agriculture Marc Fesneau. Des prix qui, selon lui, "sont plutôt stables, voire en légère diminution", a-t-il dit sur France Info.

Un accord nécessaire "parce que c'est une responsabilité, même pour Vladimir Poutine, que de faire en sorte que les gens dans le monde puissent se nourrir".

Des centaines de millions de personnes dans le monde "vont payer le prix" de la décision russe de mettre un terme à sa participation à l'accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes, a dénoncé lundi le secrétaire général de l'ONU.

La France continuera "avec ses partenaires, à intensifier son action pour réduire les risques d'insécurité alimentaire pesant sur les populations les plus vulnérables à travers le monde", a déclaré Anne-Claire Legendre, porte-parole du Quai d'Orsay, dans un communiqué, exhortant la Russie à "revenir sur sa décision".

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
puding
puding
2 mois

Personne ne crie au scandale au s'inquiète des pays dependent des cereales russes quand les banque russes sont exclus du swift et ne pouvent pas percevoir le payement des cereales

puding
puding
2 mois

Comme la dit dans la precedente crise des cereales, ses alliés ne manquent de rien. Parcontre quand on parle des cereales ukraniens on vois l'impact de l'inflation sur notre portafeuille , courieux quand ils sont censé nourire les pays pouvres par bonté de coeur et altruisme

AMAZONUS
AMAZONUS
2 mois

Les premiers à souffrir de l'arrêt des exportations de céréales Ukrainiennes , ce sont les états africains pourtant ('presque) tous pro Putin, ce chantage du Kremlin est inadmissible, mais Putin n'a pas fini de nous surprendre, je ne parierai pas un seul rouble qu'il n'utilise pas l'arme atomique, surtout s'il est acculé et en situation d'échec.