Des jeunes de plus en plus touchés

Le lourd quotidien des enfants et des adolescents face au diabète

  • Publié le 9 juin 2023 à 09:40
  • Actualisé le 9 juin 2023 à 13:27
dépistage du diabète

Cette semaine du 2 au 9 juin 2023, a eu lieu la semaine nationale de la prévention du diabète. Une maladie qui touche 10% de la population, soit deux fois plus que dans l'Hexagone. Si 35% d'entre eux ont plus de 65 ans, qu'on ne s'y méprenne pas, les enfants et adolescents sont tout autant touchés par le diabète. Une maladie chronique caractérisée par la présence d'un excès de sucre dans le sang et qui peut parfois avoir des origines alimentaires (Photo : sly/www.imazpress.com)

Davina a découvert son diabète de type 1 - le plus répandu à La Réunion -, alors qu'elle avait 15 ans. C'était en 2016. "Mon diabète a été découvert lors d'un malaise à l'école", nous raconte-t-elle. "Dès lors que l'on me l'a annoncé, le monde s'est écroulé", raconte la jeune femme. "Mon quotidien a changé du jour au lendemain. J'ai dû m'adapter au quotidien d'une personne ayant une maladie chronique, cela n'a pas été simple et encore maintenant", confie Davina.

"Lorsqu'on est un jeune diabétique, quotidiennement c'est compliqué. C'est vrai, la jeunesse est la période où l'on construit sa personnalité, on se lie aux personnes de notre génération, on ne veut pas se sentir différents des autres" ajoute Davina.

Si "certaines personnes acceptent la maladie très rapidement, pour ma part, ce n'est toujours pas le cas malgré les sept ans qui se sont écoulés", confie la jeune fille. "Le regard des gens est une chose qui est dure à supporter." "En effet, lorsqu'on est diabétique, nous sommes menés à prendre nos médicaments que ce soit à la maison ou à l'extérieur. Plusieurs fois des questions indiscrètes m'ont été posées, cela me met mal à l'aise." "Lorsqu'on est diabétique on doit éventuellement se préparer à des changements physiques et cela peut être très dur à accepter", dit-elle encore.

Pour un diabétique, chaque jour est millimétré et organisé en fonction des glycémies et des injections d'insuline. "Pour un diabétique il est important d'adopter un mode de vie sain", confie Davina. "Nous devons vérifier notre glycémie toutes les heures, prendre notre insuline. Cela demande énormément d'organisation mais aussi beaucoup de mental car cela peut devenir rapidement épuisant."

Concernant les injections d’insuline, "j’ai commencé les injections avec une pompe. Au fur et à mesure la pompe a commencé à devenir un frein pour moi car le regard des gens me dérangeait et cela me laissait des marques sur le corps dû à l'occlusion", précise Davina. "Depuis maintenant octobre, j’ai opté pour les injections au stylo. Pour ma part, je fais des injections en fonction de ma glycémie. Le matin au réveil il faut faire de l’insuline lente c’est ce qui va permettre que la glycémie soit équilibrée toute la journée."

Un quotidien difficile auquel est également confrontée Edwige Le Gac, présidente de l'association des diabétiques juniors à La Réunion (ADJ 974)

"Ce fut particulièrement difficile la première fois, surtout lors du retour à la maison, on s'est senti seul", témoigne-t-elle. "Je me souviens être sorti de l'hôpital avec le sac et les piqûres d'insuline et là on s'est demandé comment on allait faire pour piquer notre enfance cinq fois par jour."

- "Les familles souvent livrées à elles-mêmes" -

Des enfants qui, pour la majorité sont touchés par le diabète de type 1, sont devenus insulino-dépendants. Une maladie génétique qui survient pour des raisons encore inexpliquées par la médecine.

"Les premiers signes sont des signes d'amaigrissement, de fatigue ou encore de pipi au lit", nous explique Edwige Le Gac, présidente de l'association ADJ 974.

Pour qu'ils aillent mieux, ils doivent donc être mis sous pompe à insuline 24h/24 ou se piquer 5 à 6 fois par jour. Sans son insuline "l'enfant peut mourir". "Il pourra avoir une hyper-glycémie avec des maux de tête, de ventre et un état nauséeux". Mais également des troubles de la conscience en l'absence de traitement.

Face à ces symptômes, il est primordial de consulter rapidement le médecin traitant. Le diabète de l’enfant ou de l’adolescent nécessite une prise en charge urgente, en général le jour même.

C'est d'ailleurs de par son expérience en tant que maman d'un enfant touché par le diabète, qu'Edwige Le Gac a fondé l'association des diabétiques juniors à La Réunion. Une association destinée à accompagner les familles, enfants et adolescents pour mieux appréhender la maladie grâce au dispositif "Nou lé la".

"Les familles en sortant de l'hôpital sont souvent livrées à elles-mêmes, ne sachant pas comment piquer l'enfant, comment calculer les glucides dans les plats pour ajuter l'insuline", explique Edwige Le Gac.

Car pour un enfant, apprendre à vivre avec le diabète n'est pas du tout simple au quotidien. Déjà pour l'école, lors du repas du midi, "soit un proche de la famille vient, soit un infirmier libéral – mais ce n'est pas simple – soit l'un des parents".

De plus, "tout dépend de la capacité de l'enfant à intégrer l'information et l'acceptation de se dire qu'aujourd'hui il va vivre différemment". "Il y a des enfants qui à 5 ans se piquent seuls et d'autres non", ajoute Edwige Le Gac. "Après cela reste lourd car même si l'enfant intègre les bonnes pratiques, il y a toujours un moment où il en a marre", ajoute la mère de famille.

"Pour un enfant c'est compliqué de se dire qu'il doit faire cela pour prendre soin de sa santé, sinon il pourrait avoir des complications", ajoute la présidente de l'association.

Même pour la nourriture – et notamment le fast-food – les enfants en veulent, comme beaucoup de jeunes de leur âge. "Pour cela, on leur apprend comment calculer leurs glucides, tout en leur disant que cela doit rester exceptionnel."

Roselyne Roff, salariée de l'association aide d'ailleurs les familles au quotidien. "Dès qu'on apprend pour la maladie on va chez les familles pour les, connaître, on voit comment ça se passe à la maison, on les met en contact avec un patient partenaire – pour mieux appréhender le diabète – ou alors avec le parent d'un autre enfant diabétique." L'objectif étant d'aider au mieux les familles.

Elle accompagne également les familles dans leurs dossiers, notamment pour les demandes de PAI (projet d'accueil individualisé) qui donnent des consignes au corps enseignant.

Une association – l'ADJ 974 – qui aimerait d'ailleurs "faire bouger les lignes" pour avoir "plus de collaboration avec les hôpitaux dans l'intérêt des familles".

- Des malades de plus en plus jeunes -

Il faut savoir qu'à La Réunion, en 2022, selon les derniers chiffres de l'Agence régionale de santé (ARS), 350 enfants de moins de 18 ans présentaient un diabète. Parmi ces enfants, 240 ont entre 0 et 14 ans.

Un chiffre en augmentation par rapport aux dernières années. "En 2019 à La Réunion, 330 enfants de moins de 18 ans étaient pris en charge pour un diabète et dans près de 90% des cas il s'agit d'un diabète de type 1", précise l'ARS.

Le diabète de type 1, caractérisé par la présence d'un excès de sucre dans le sang appelé hyperglycémie, est dû à un arrêt de production d'insuline par le pancréas. C'est le type de diabète le plus fréquent chez l'enfant et l'adolescent. Cette maladie auto-immune est favorisée par une prédisposition génétique.

"La fréquence du diabète infantile pris en charge est de 137 cas pour 100.000 enfants de moins de 18 ans sur l'île", ajoute l'ARS.

"Le diabète de type 1 augmente tous les ans de l'ordre de 3 à 4% et touche de plus en plus les jeunes et généralement les bébés et les moins de deux ans", indique Edwige Le Gac.

D'ailleurs, l'association ADJ 974 n'arrive plus à répondre à toutes les demandes. "Avant on prenait en charge les familles en 24 heures, maintenant c'est une semaine voire plus", note Edwige Le Gac.

Si les causes de ce diabète ne sont pas forcément connues, il peut exister une prédisposition génétique. Difficile également de savoir pourquoi les cellules du pancréas qui sécrètent de l'insuline sont détruites.

Mais ce qui est certain, c'est que dans certains cas, l'alimentation y est pour quelque chose.

- Et la mal-bouffe dans tout ça ? -

Selon les associations et les professionnels de santé, le diabète peut également être la conséquence d'une mauvaise alimentation.

À La Réunion, et selon les chiffres, près d'un Réunionnais sur deux est en surcharge pondérale. 91% de la population déclare également manger moins de 5 fruits et légumes par jour.

Et les jeunes – particulièrement friands de ces repas sur le pouce, parfois très chargés en mauvais gras – sont en première ligne.

"La mauvaise alimentation, la sous-consommation de fruits et légumes, le surpoids sont de plus en plus fréquents chez les jeunes", note Marie-Hélène Chopinet, chargée de mission à l'association des diabétiques de La Réunion (AFD974).

Pourtant – et malgré l'inflation, les aliments transformés et riches en gras ainsi que les fast-foods ont toujours autant la côte. À (presque) chaque coin de rue, en tout cas dans la majorité des communes, les enseignes de restauration rapide ne manque pas.

Preuve en est, dans le Sud à Saint-Pierre, et alors qu'il y a déjà deux enseignes presque côte à côte au niveau de Casabona et du rond-point Banks, une troisième enseigne va s'implanter dans la zone d'activité commerciale de Canabady au second semestre 2023.

Prenons note également de cette étude révélée par l'Association nationale de défense des consommateurs et des usagers CLCV qui dévoile que le french tacos est presque trois fois plus calorique que le burger. En ingérant un tacos, on absorbe au total trois fois plus de calories par rapport à un burger (sans les frites), soit en moyenne 1.600 calories.

Si on craque pour un XL, il faut alors compter 2.300 calories, c'est-à-dire 90% des apports journaliers recommandés. Il faut dire que certains de ces sandwiches pèsent jusqu'à 1 kg...

Certes, ces repas sont rapides et pas chers (quoique...), mais en termes de goût, de saveur et de santé surtout… là, la question ne se pose pas, tout le monde le sait, c’est très mauvais.

Mais cette profusion et cette alimentation n'est-elle pas là inappropriée dans une région où le taux de diabète est l’un des plus élevés de France et concerne 80.000 personnes, soit 10% de la population réunionnaise ? À La Réunion, une personne sur deux est en situation de surpoids. Une obésité de plus en plus précoce comme l’indique le CHU, et souvent couplée à des comorbidités.

Lire aussi - Fast-food à profusion : comment toujours plus engraisser les Réunionnais

Lire aussi - Malbouffe : les Réunionnais mangent de plus en plus d'aliments ultra transformés

- Manger, bouger, dépister -

Pour prévenir ce risque de diabète, trois réflexes sont indispensables : mieux manger, mieux bouger et mieux repérer et dépister la maladie".

L’activité physique a un rôle important dans la réduction du risque de développer un diabète de type 2. Selon la Haute Autorité de Santé, elle permettrait de réduire d’environ 30 à 50 % son apparition.

Mais alors comment les sensibiliser ? "En agissant au plus tôt, dès leur plus jeune âge, avec des journées de prévention, des spots, des messages sur la bonne alimentation… et des interventions dans les écoles", indique Marie-Hélène Chopinet.

Pour l'ARS, "la sensibilisation passe essentiellement par la sensibilisation aux symptômes pour une prise en charge la plus rapide possible de l’enfant". " Les symptômes du diabète de type 1 apparaissent plusieurs mois, voire plusieurs années après le début du processus auto-immun de destruction des cellules productrices d’insuline. Puis, lorsque le taux d'insuline est très bas ou insignifiant, ils s'installent rapidement en quelques semaines."

Pour éviter l'apparition d'un diabète chez l'enfant, " les messages et actions de prévention sont axés autour de 2 sujets prioritaires : une alimentation équilibrée et variée et une pratique d’activité physique régulière et quotidienne".

Vous n'êtes pas convaincus par l'argumentaire sur la prévention de cette maladie ? Lisez donc à quoi ressemble les 24 heures type d'un diabétique :

7h - *BIP* c’est parti ! Premier scan de la journée : 1,27g, je suis dans la cible. Mais j’ai passé la nuit en hyperglycémie entre 2,16g et 2,45g. Comme tous les matins, je ne mange pas, je pars au travail. Arrivé(e) au bureau, je scan : montée en flèche de la glycémie à 2,63g. Je mets 3 unités pour corriger ma glycémie + 2 unités pour le sucre que je vais mettre dans mon thé.

9h - Je ne me sens pas bien : hypoglycémie à 0,61g. Je me resucre.

12h - Ma glycémie est de nouveau dans la cible à 1,56g. On mange. Et mince, j’ai oublié de faire mon injection d’insuline ! Bon, si je mange tout, ça représente combien de glucides et donc combien d’unités d’insuline ? Va pour 8 unités !

14h - J’ai soif. Je scan : 2,65g. J’ai mal géré. Je corrige : + 3 unités.

16h - Je ne me sens pas bien. Je scan : 0,53g. Oups, 3 unités c’était trop. Je suis en panique (une hypo, ça peut être impressionnant), je mange une part de galette.

18h - Je rentre à la maison. Je scan : la part de galette, ce n’était pas une bonne idée. Je corrige. Ma pompe vibre : réservoir d’insuline presque vide. Je vais changer mon cathéter et mon réservoir, et ça fait toujours aussi mal.

19h - On passe à table, je n’ai pas trop faim à cause de l’hyperglycémie en fin de journée, mais je suis à peu près dans la cible : 1,84g. Un McDo ? (Oui j’ai le droit) OK. Si je prends le même menu que la dernière fois, je dois mettre 14 unités + 1 ou 2 pour corriger le 1,84g. Ça ferait 16 unités ? Impossible. Psychologiquement, je ne peux pas. Va pour 14 unités !

21h - Cool je suis dans la cible. J’ai géré.

21h43 - Je m’endors… Pas si vite, dernier scan : 2,87g. Je n’ai pas géré en fait. Je corrige : + 3 unités, en espérant bien calculer.

4h - Hypoglycémie à 0,59g : Ah bah non, j’ai pas bien calculé. Je me resucre, je me rendors.

7h - *BIP* c’est reparti ! La suite, vous la connaissez…

Lire aussi - Prévention du diabète : l’activité physique, un atout majeur pour prévenir cette maladie

ma.m/www.imazpress.com/[email protected]

guest
1 Commentaires
charlie
charlie
2 ans

Bonjour merci pour cet article, néanmoins il me paraît essentiel de faire la différence entre le diabète de type 1 et le diabète de type 2. Tout est mélangé dans votre article dès l introduction. Les enfants et adolescents sont confrontés chaque jour à l amalgame avec le type 2 ( causé par une mauvaise alimentation). Le type 1 est une maladie auto immune. Ils n y sont pour rien, c est "pas de chance" et cette maladie est mortelle sans un traitement adapté et une surveillance constante.