90% des dégâts causés par des infiltrations d'eau

Garance à La Réunion: des milliers de sinistrés victimes de malfaçons

  • Publié le 12 mars 2025 à 07:00
  • Actualisé le 24 mars 2025 à 18:06
Cyclone Garance

Vitres qui volent en éclats, infiltrations par les fenêtres et les plafonds, faux-plafonds qui s'écroulent, toits qui s'envolent… à La Réunion, le nombre de sinistrés du cyclone Garance se comptent par milliers. Selon les assureurs, 90 % des sinistres sont dus à des infiltrations d'eau. Bâtiments inadaptés aux conditions climatiques, constructions à bas coût et malfaçons sont les causes principales de ces dégâts. Etat des lieux... (Photo : www.imazpress.com)

À Sainte-Marie, le cyclone Garance a gravement impacté des logements. Une mère de famille a vu l'eau couler dans ses deux chambres par le plafond. Elle n'habite pas au dernier étage et des travaux venaient d'être faits sur le bâti.

Des cas comme celui-ci, et pire encore ailleurs dans l'île, ont été constaté par Erick Fontaine, administrateur de la Confédération nationale du logement (CNL).

Si les bailleurs évoquent une "centaine de logements nécessitant un relogement urgent", "c'est faux", lance l'administrateur de la CNL. "Je suis sur le terrain et ce que l'on constate c'est de grandes dégradations", dit-il.

Erick Fontaine va demander que des expertises soient faites sur tous les bâtiments.

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- La qualité des constructions pointée du doigt -

Des logements inhabitables, des plafonds effondrés, des infiltrations, pour Erick Fontaine, ne pas évoquer ces dégâts revient à "banaliser les petits sinistres".

Les élus de La Réunion se sont également emparés du sujet lors de leurs déplacements, pointant du doigt des constructions défaillantes.

"C'est un scandale. Ce sont des matériaux faibles (qui ont été utilisés - ndlr), la poutre est tordue, regardez comment c'est attaché", avait déploré Huguette Bello lors d'une visite de terrain à Sainte-Suzanne.

"Tout cela est bon marché et coûte cher en réparation et pourtant je pense que cette entreprise a bien été payée pour cet immeuble-là", a-t-elle ajouté. Écoutez:

Si ces logements impactés concernent en majorité des bâtiments appartenant à des bailleurs sociaux, cela concerne également les résidences privées. "Si on regarde les dégâts causés par Garance, le plus gros des sinistres ce sont les infiltrations via les façades ou les toitures", précise James Huet, président du Comité des assureurs de La Réunion.

"Sauf que ce risque-là n'est pas pris en charge dans le cadre de la catastrophe naturelle", alors que les assurés pensent être protégés.

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- Les malfaçons, première cause des sinistres chez les habitants -

"La plupart des désordres vus sur le terrain viennent de malfaçons", reconnait Marc Joly du Conseil de l'ordre des architectes de La Réunion. "Avec l'expérience, effectivement la qualité des constructions ne s'améliore pas", confesse-t-il.

Le produit en lui-même n'est pas forcément à l'origine du sinistre mais cela vient souvent de la mise en oeuvre et on travaille pour avoir des documents techniques unifiés (DTU) pour tenir compte des aléas climatiques", explique Stéphane Brossard, président d’honneur au sein de la FRBTP. Écoutez:

"On construit très cher pour recoller au marché, des arbitrages sont faits", poursuit Marc Joly. 

- Une qualité des constructions en baisse mais des coûts en hausse -

Selon Marc Joly, "si la qualité baisse c'est parce que les coûts augmentent. Les entreprises essayent de survivre et sont obligées de renier sur certaines prestations qui seraient probablement utiles parce qu'ils ne peuvent pas se les payer", explique-t-il.

Du rabais sur des services et donc des normes non respectées. D'après les chiffres, près de la moitié des logements ne respectent pas les normes parce que "plus on va augmenter le coût de l'offre de la construction formelle (passant par un architecte, un bureau d'étude, un contrôleur technique…) et plus les coûts vont augmenter", souligne Marc Joly.

À l'heure actuelle, "pour construire un bâtiment, un certain nombre de règles générales sont à respecter, portant sur l'accessibilité, la sécurité incendie, l'aération, le thermique, l'acoustique, ou la sismicité. Ces règles sont issues du code de la construction et de l'habitat, et de dispositifs normatifs au niveau européen", indique la préfecture.

Ce code impose que "les bâtiments exposés à un risque de cyclone prévisible préservent la sécurité des personnes présentes dans les bâtiments et limitent les dommages en adaptant leur conception. Dans les territoires ultra-marins, les architectes doivent intégrer ce risque en optimisant l’orientation, la compacité, la hauteur et la toiture des bâtiments".

Après le cyclone Irma de 2017 aux Antilles, le gouvernement a renforcé ces exigences avec un décret de 2023 (n°2023-1087), instaurant une réglementation para-cyclonique.

Au cours de sa visite en fin de semaine dernière, le ministre des Outre-mer a souhaité que le plan de reconstruction de La Réunion, après le passage du cyclone Garance, intègre cette problématique des normes de construction.

- Faire évoluer la conception du bâti tropical, une nécessité -

Pour l'Ordre des architectes, "il faut faire évoluer la conception des bâtiments pour mettre en sécurité les gens et développer la culture du risque".

"Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas c'est que sur le plan de la sécurité, la population s'en remet à la norme et à la règlementation pour se protéger or c'est un fantasme que de considérer que lors de ces événements, on sera bien dans son canapé et rien ne se passera", lance Marc Joly.

Peut-être, "peut-on revenir à des planches fixées sur les fenêtres et pouvoir accéder aux façades à l'avenir". Le tout, "en étant adapté à la réalité économique de La Réunion".

C'est pourquoi, pour Marc Joly, l'adoption au Sénat d'une adaptation des normes de construction aux Outre-mer est une bonne chose.

"Il y a des tas de produits y compris à côté de chez nous qui sont solides", explique Marc Joly de l'Ordre des architectes de La Réunion.

Le comité référentiel de construction permettra enfin d’adapter les normes aux spécificités ultramarines en réunissant État, assureurs, industriels et experts du bâtiment.

Toutefois, il faudrait attendre encore quelques années pour que ces nouvelles normes puissent être mises en place à La Réunion.

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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8 Commentaires
Noella
Noella
6 mois

Le Marc Joly c'est un bouffon ??

Pierre Balcon
Pierre Balcon
6 mois

Donc on avoue enfin que les sinistres viennent de que ce l'on ne respecte pas les normes. Mais on est incapable d'en tirer les enseignements. Au contraire: on propose d'abaisser les normes. Absurde n'est ce pas! Et notre Marc Joly qui ne veut déplaire à personne en rajoute dans l absurdité en reformulant à sa manière la loi de Bernoulli qui établit un rapport inverse entre vitesse et pression. Lui il voudrait nous convaincre que le même rapport se constate entre la qualité et le coût. On vit dans un monde de fous vous dis-je !

La HONTE
La HONTE
6 mois

Mêmes soucis dans les appartements soit disant de « standing » vendus à prix d’or par les promoteurs comme CBO. Des visses à métal trop courtes et en nombre insuffisant utilisées pour fixer des tôles trop courtes et sans relevés dans des charpentes en bois = des toitures qui s’envolent et des faux plafond qui s’effondrent. Les assurances se défaussent. Mais tout ce petit monde brasse des millions de profits sur le dos des réunionnais sinistrés, c’est lamentable !

Bezeurpaké
Bezeurpaké
6 mois

Nou la fé, toute la compétence locale...

marius
marius
6 mois

avant le créole construisait lui même sa case et rarement un cyclone la faisait voler. Maintenant on a des spécialistes qui ont plein de dérogations pour les constructions et qui se rejettent la faute quand il y a un problème. En plus il faut sanctionner ceux qui ont donné la conformité sachant que ce n'est pas réglementaire et vous verrez cela va vite entrer dans l'ordre.

BenVoyons
BenVoyons
6 mois

Des couts en hausse pour des services de moins bonne qualités !! On dirait le service public non ? :D

Ste Suzanne
Ste Suzanne
6 mois

Sa fait 55ans que j habite dans une maison tomi a ste Suzanne
Cyclone sur cyclone elle n a jamais bougé
Quand vous voyez tous ses maisons neuves partir laissant le travail de toute une vie pour certain sa date d hier il faut se poser la question de tous ses abuseurs

Josimé
Josimé
6 mois

Constructions à l'économie ? Incompétence ? Appât du gain ? Un peu de tout ça je pense. La loi n'est pas assez sévère avec les responsables.