Apaiser les traumatismes

Psychotraum'Artistes : quand l'art libère la parole des victimes d’agressions sexuelles

  • Publié le 26 novembre 2023 à 07:10
  • Actualisé le 26 novembre 2023 à 16:30
Élise Amy

Des violences sexuelles et des souffrances sur toile… tel est l'objectif de l'exposition Psychotraum'Artistes, organisée par l'association Alon féminisme Réunion. Des tableaux peints par des victimes de violences. Des hommes et des femmes qui souffrent d'importants traumatismes. Des personnes qui, grâce à l'art, peuvent exprimer la douleur avec laquelle ils vivent au quotidien et qui reste encore trop souvent tabou à La Réunion. Des messages visibles jusqu'au 26 janvier, à la Bibliothèque Universitaire de Sciences de Saint-Denis (Photo : ma.m/www.imazpress.com)

Les œuvres exposées sont le fruit de la créativité de survivant.es de violences sexuelles, qui ont souhaité témoigner des conséquences que ces violences ont eues sur leur vie en s’exprimant au travers de dessins, de peintures, de collages, de sculptures ou bien encore de poèmes.

"Ces œuvres sont accompagnées de panneaux expliquant ce que sont les psychotraumatismes et les conséquences des violences sexuelles", explique Élise Amy, présidente de l'association, elle-même victime.

"L'objectif de cette exposition est de permettre à des victimes de s'exprimer, de témoigner à travers l'art sur les conséquences qu'ont les violences sexuelles sur leur vie et surtout sensibiliser le grand public."

Des conséquences très lourdes qui "peuvent durer des années".

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- Des souffrances à travers l'art -

L'idée de cette exposition n'est pas venue par hasard dans l'esprit de la présidente de l'association Alon féminisme Réunion.

"J'ai été victime d'inceste durant mon enfance et j'étais sous amnésie traumatique. Je ne m'en souvenais pas et d'un coup les souvenirs me sont revenus il y a quatre ans", témoigne-t-elle. "C'est à ce moment que je me suis mise à dessiner sur ce que je traversais, ce que je ressentais", confie Élise Amy.

Une expérience dont elle sait qu'elle n'est pas la seule à l'avoir vécu. "Avec l'association on a donc décidé de monter une exposition artistique sur les violences sexuelles pour expliquer ce que sont les psychotraumatismes car les gens ne peuvent pas comprendre les réactions des victimes."

Pour ce faire, l'association a lancé un appel sur les réseaux sociaux et aux autres associations dont l'Association des femmes et enfants victimes de violences (Afev).

- Dessiner pour "se libérer d'un poids" -

Des tableaux qui, au-delà du simple côté artistique et vecteurs de messages, sont "une étape clé dans le parcours des victimes", note Élise Amy. 

"Cela a aidé des victimes dans leur parcours de résilience et de reconstruction", ajoute-t-elle. "En leur permettant de se libérer d'un poids et en dessinant ce qu'elles ressentent sur le moment."

"Les violences sexuelles, c'est souvent un sujet tabou. Contrairement aux idées reçues, dans plus de 90% des cas, les auteurs de ces violences sont connus de la victime et c'est pour cela qu'il est difficile de dénoncer son père, son frère, son cousin, son oncle…." La parole de la victime risquant de "briser l’unité" conjugale ou familiale, ou du moins ses apparences.

Et pourtant, "les victimes ont besoin de parler de ce qu'elles ont vécu et avec le dessin, cela permet de s'exprimer, de témoigner en disant j'ai vécu cela et les conséquences sont dures sur ma vie mais ce n'est pas de ma faute".

Élise Amy, victime et exposante voit à travers ces œuvres, "une mise en images de toutes les souffrances et conséquences physiques et psychiques que ces victimes peuvent traverser.

"Ces victimes ne sont responsables de rien", tient à souligner Élise Amy.

- Des psychotraumatismes enfouis -

Ces femmes, ces hommes sont des victimes… Et ce sont ils et elles qui doivent vivre chaque jour avec ces traumatismes. Des dommages psychiques qui surviennent très fréquemment suite à des violences sexuelles, sauf que les mécanismes psychotraumatiques sont en effet encore aujourd’hui trop peu connus du grand public comme de certains professionnel·les en contact avec les victimes.

"Les psychotraumatismes sont les conséquences physiques et psychiques des violences sur la personne", explique la présidente de l'association. "Des conséquences assez variables et qui impactent le quotidien des victimes."

"Elle va avoir ce qu'on appelle la dissociation. Comme si elle est détachée de son corps. La victime peut avoir des ressentis de trop peu et pas grand-chose va les toucher." Mais à un moment, "ça explose".

Une explosion "car ces émotions sont restées en sourdine trop longtemps", souligne Élise Amy. Par exemple, "des choses vont rappeler le traumatisme et là ça va faire remonter des souvenirs que le cerveau n'avait pas intégré". "Certaines même revivent l'événement comme si elles ressentaient à ce moment-là la sensation et l'émotion de l'époque. Ce qui est très dur pour les victimes."

La validation du contenu scientifique de l’exposition, ainsi que la mobilisation des réseaux d’accompagnement des victimes, ont été réalisées avec le soutien du Dr Christine Visnelda-Douzain psychiatre spécialiste des psychotraumatismes.

Les violences sexuelles ne sont pas des faits divers rares ou des cas isolés, mais touchent au contraire un très grand nombre de femmes, de filles et de garçons. Contrairement aux idées reçues, les violences sexuelles sont perpétrées dans tous les milieux socio-économiques et dans toutes les sphères (familiale, conjugale, professionnelle).

À La Réunion, le risque d'être victime de violences sexuelles est près de 50% plus élevé que la moyenne nationale.

Si vous êtes victimes de violences conjugales, vous pouvez contacter le 3919, le numéro national de référence d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violences. Des conseillers sont disponibles 24h/24. La Réunion est le quatrième département français en matière de violences intrafamiliales.

En cas d'urgence, le seul numéro à composer est celui de Police Secours.

Le 112, numéro d'urgence européen

Le 114 pour les personnes sourdes, malentendantes, aphasiques, dysphasiques
Le 115 pour la mise à l'abri pour un hébergement d'urgence
Le 15 pour les urgences médicales, ou le 18
Le 119 pour les enfants en danger
Le 08 019 019 11 pour les auteurs de violences conjugale

Vous pouvez signaler des faits de violences intrafamiliales en ligne, directement auprès du commissariat ou de la gendarmerie la plus proche sur le www.servicepublic.fr/cmi Anonyme et gratuit, ce tchat est accessible 24h/24 et 7j/7 pour échanger avec des policiers ou des gendarmes spécialement formés aux violences sexistes et sexuelles.

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ma.m/www.imazpress.com/[email protected]

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