Ces derniers jours, de fortes intempéries se sont abattues sur La Réunion, avec des précipitations plus ou moins importantes. Si la pluie était très attendue en raison d'une forte période de sécheresse dans l'île, elle n'a pas toujours fait des heureux. Certaines exploitations agricoles ont été ravagées voire même inondées. Conséquence: une hausse des prix n'est pas à exclure (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)
De la pluie, de la pluie et encore de pluie. Voilà le scénario qui s’est répété durant plusieurs jours. Des routes, des logements, des ravines et des champs agricoles ont été la proie des eaux. Cet épisode pluvieux a été exceptionnel par son intensité, avec des records jamais vus depuis 70 ans. Comme l'affirmait Julien Bonnier, de l'Office de l'eau il y a quelques jours, "cette pluie a copieusement arrosé La Réunion, mais surtout a permis d’arroser les jardins et de faire monter les débits d’eau. Si cela a permis de recharger provisoirement les ressources, cela ne va pas combler le déficit".
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- Le prix des fruits et légumes impactés ? -
Jean-Michel Moutama, président de la CGPER, Confédération générale des planteurs et éleveurs de La Réunion, soutient que « le sud et l’ouest avaient un grand besoin de pluie. C’est le côté positif. Mais il n’y en a pas eu suffisamment. Si on a les mêmes pluies dans 15 jours c’est bien aussi », avant d’ajouter que « c’était une pluie fine sans ravinement dans ces secteurs, à la différence de l’est », déplore-t-il.
Des interrogations sont alors sur la table au vu d'une telle situation : les prix des fruits et légumes ont-ils ou vont-ils être impactés par les fortes pluies ? Quelles ont été les conséquences sur les cultures agricoles ?
Jean Max Payet, directeur du marché de gros de La Réunion, explique « la zone est et nord ont été les plus touchées par les pluies de ces derniers jours. Dans le sud, ça n’a pas été pareil. » Pour le moment il n’a pas encore eu de retour négatif sur le marché de gros avec les 900 vendeurs présents. « La majorité de la production réunionnaise se situe dans le sud à la différence de l’est où il n’y a pas beaucoup de culture maraîchère », souligne-t-il.
Avec ces pluies, il pourrait néanmoins y avoir un « pourrissement des produits. Entre la pluie et le soleil il y a un effet miroir », estime-t-il. S’il ne peut pas prévoir ou quantifier les pertes des agriculteurs, il poursuit que les produits concernés, pourraient bien être les choux, les courgettes, la salade, ou encore les brocolis. "Après, nous ne sommes pas impactés comme dans l'Hexagone avec le froid", avertit Jean Max Payet.
Il ajoute qu’il faut attendre une quinzaine de jours pour voir si les prix vont varier ou non. "Craindre, ce n’est pas le mot mais il faut s’y préparer si les épisodes pluvieux continuent", dit-il. Il nuance que "la pluie a été bénéfique car l'île connaît une certaine sécheresse".
A titre de comparaison, lorsque La Réunion a été touchée par les cyclones Batsirai et Emnati, le prix des fruits et légumes avait alors augmenté entre 50 et 70 % nous dit Jean Max Payet. "Cela s’est ensuite résorbé dès le mois d’avril avec la production rapide des terres agricoles. Comme on produit toute l’année ici, les prix reviennent vite à la normale", poursuit-il.
Selon Jean-Michel Moutama il ne devrait pas y avoir de hausse des prix sauf si des maraîchers ont été touchés dans l'est. En revanche, il estime : "les dégâts ne pourraient pas causer la hausse des prix. C’est plutôt la hausse des charges et des intrants qui pourraient entraîner une augmentation des prix des fruits et légumes"
- Coup dur pour des planteurs -
Parmi les terres impactées par les fortes pluie, des champs de cannes ont été complètement inondés. "Il y a eu trop d’eau d’un coup", renchérit Jean-Michel Moutama.
C'est le cas à Saint-Benoît, sur le terrain exploité par Coralie, une agricultrice que nous avons rencontrée. Son champ de canne a été inondé. Equipée de ses bottes, de ses vêtements de pluie, elle nous présente désespérée, l’ampleur des dégâts. "S’il continue de pleuvoir je ne peux plus compter sur cette production… c’est à recommencer à zéro".
Sur les cinq hectares, l’agricultrice déplore des dégâts sur au moins deux hectares. Et ces fortes pluies ont entraîné avec elles des conséquences financières. "Déjà que la campagne sucrière a été catastrophique… le peu de trésorerie de la campagne est passé dans la parcelle. Je suis sous le choc, tout en sachant qu’il y a des charges à payer…". C’est au moins 2.500 euros qui sont perdus selon elle. Abattue par cette situation, Coralie espère bien être aidée, comme elle l’explique, regardez :
La Chambre d’Agriculture de La Réunion a également commencé à recenser les dégâts des agriculteurs. Sully Rickmounie, responsable de la canne à sucre à la chambre verte s’est rendu sur le terrain de l'agricultrice. Comme il l’explique, cette inondation est due aux déversements des eaux provenant de la pluie, en amont et qui sont arrivés sur sa parcelle de replantation. "Sur ce type de parcelles, les eaux de surface risquent de pourrir les boutures qui ont été plantées tout en sachant que les racines sont peu développées. Il faut refaire la plantation en intégralité. Avec les fortes pluies, ce n’était pas une surprise", déclare-t-il. Ce n’est pas la première fois qu’il voit se produire ce genre d'évènement. "Il y a eu d’autres cyclones qui ont amené les mêmes dégâts sur d’autres parcelles. On a défriché, replanté mais le sol ne boit pas assez d’eau et donc les eaux submergent les plantations ; c’est répétitif…", confie-t-il. Sully Rickmounie complète qu’il va y avoir un travail de recensement des terres sinistrées, puis des dossiers vont être constitués et envoyés auprès des institutions compétentes pour pouvoir bénéficier de différentes aides. La Chambre d'Agriculture a un rôle important dans ce genre de situation comme il le réaffirme :
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C’est donc un nouveau coup dur pour Coralie mais aussi pour d’autres agriculteurs et en particulier des planteurs. Cela vient s'ajouter à un bilan de campagne jugé « catastrophique » par les acteurs du secteur. 1,3 million de cannes ont été récoltés en 2022 contre 1,554 million de tonnes en 2021. La faute à l’inflation, les aléas climatiques ou encore le manque d’aide. Pour aider le secteur de la canne, l’état de « calamité agricole » pour la filière canne avait alors reçu un avis favorable au début du mois de janvier. Cette demande a été formulée par la Chambre d’agriculture, suite à la perte de récoltes sur les exploitations après le passage des cyclones en février 2022. Mais les caisses aujourd'hui sont vide, comme s'accordaient à dire les présidents des syndicats d'agriculteurs, et les aides viennent beaucoup trop tard. "On arrive à une perte globale d’au moins 20 millions d’euros", affirmait par ailleurs Jean-Michel Moutama.
Que les agriculteurs sinistrés se rassurent, ce genre d'épisode pluvieux ne devrait pas se reproduire dans les jours à venir, à en croire les prévisions de Météo France.
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