Lancée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin en avril – avec un objectif sécuritaire et anti-immigration - l'opération Wuambushu en a connu des rebondissements, des déboires voire même des désillusions pour certains habitants de Mayotte. Et si, non loin de La Réunion, Wuambushu se poursuit et "les résultats sont là" selon les dires du ministre, le départ précipité de la CRS-8 et les violences exacerbées de ce week-end montrent le contraire (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)
Décasages, arrestations à tout va dans les quartiers par les forces de l'ordre, soutenu par les renforts venus de l'Hexagone… ce répit et cette lutte contre les violences urbaines aura été de courte durée dans l'île sœur.
Tout ce week-end du 8 et 9 juillet – et même le vendredi 7 juillet – des violences et des attaques ont été perpétrées dans plusieurs quartiers de l'île.
Ce sont d'ailleurs les villes de Tsoundzou et de Majicavo qui en ont été les cibles principales. Des automobilistes ont d'ailleurs été caillassés.
Selon nos confrères de France Mayotte, c'est à Majicavo, que, vers 2h30 la situation a dégénéré. Un peu plus tard dans la nuit, des barrages routiers enflammés ont été érigés.
Dans le même temps, une autre bande a pris d'assaut la nationale à Tsoundzou. Là aussi des faits d'agression ont été signalés.
Le lendemain, le dimanche 9 juillet, plusieurs individus se sont affrontés dans les hauteurs de Cavani. Les forces de l'ordre, déployées sur place, ont usé de bombes lacrymogènes pour disperser la foule.
Vers 19 heures, ce sont huit personnes qui ont été interpellées à Cavani lors d'échauffourées entre mahorais et personnes en situation irrégulière.
Des affrontements qui, ce dimanche, ont conduit à la mort d'un jeune homme à Mroahandra dans la commune de Mamoudzou.
Géraldine, #infirmière à #Mayotte : "où la barbarie a très rapidement reprit ses droits hier soir sur les hauteurs de Mtsapéré. Un jeune homme a été retrouvé mort, démembré.
— @LesinfirmieresEncolere ???????? (@Lesinfirmieres1) July 9, 2023
Où est passée #Wuambushu et les centaines de flics repartis casser des manifestants en métropole ?".
- Un lien avec le départ des renforts ? -
Violences urbaines qui reprennent de plus belles, barrages, caillassages…
Faut-il y voir un lien avec les renforts policiers repartis de Mayotte ? Car en effet, les policiers de la CRS-8 ont commencé à quitter le département, et ce de manière précipitée en raison des violences urbaines qui embrasaient l'Hexagone suite à la mort du jeune Nahel lors d'un contrôle routier.
Un départ plus que rapide qui a vite fait le tour des quartiers. Un départ que les habitants redoutaient. Et pour cause, la hausse des violences de ce week-end fait craindre le pire pour les Mahorais.
Et nul ne sait si cet escadron sera appelé à revenir dans les semaines qui viennent.
Pour info, la CRS8 déployée dans le cadre de l'opération #Wuambushu quitte Mayotte en urgence suite aux émeutes urbaines dans l'hexagone ces jours-ci.
— Verlaine (@__Verlaine__) July 3, 2023
Attention M.@GDarmanin, il ne faut pas déshabiller Paul pour Pierre comme avaient prévenu @DeputeeEstelle et @Kamardine_M...
???? pic.twitter.com/qOWJWkCF5e
- 500 cases détruites contre 1.000 annoncées -
Autre point qui cristallise la colère des Mahorais, les objectifs du ministère loin d'être rempli. Si Gérald Darmanin tablait sur 1.000 décasages lors de cette opération, force est de constater qu'en ce début juillet, à peine la moitié des bidonvilles ont été détruits.
Ce jeudi 6 juillet 2023, les autorités ont procédé à une nouvelle destruction d'un bidonville. 25 cases en tôles ont été détruites dans le quartier Mbouyoujou, dans la commune de Labattoir située sur l'île de Petite-Terre.
"C'est une opération un peu différente de celles menées à Koungou, en Grande-Terre, ou précédemment en Petite-Terre", a indiqué sur place le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, selon un document vidéo communiqué par la préfecture.
"L'objectif est d'arrêter le développement des bidonvilles en limite des secteurs urbanisés et légaux. Et de faire qu'on n'en ait pas plus", a-t-il rappelé.
Cette nouvelle opération est également techniquement différente. "Des machines de démolition interviendront un peu plus tard mais une grande partie se fait à la main car nous sommes sur un secteur difficile d'accès", a détaillé le préfet.
Ce qui, selon les chiffres, porte à 500 le nombre de décasages opérés depuis le début de l'opération. Des décasages souvent émaillés de couacs et de référés en justice.
- La désillusion Wuambushu -
Nos confrères de France Mayotte le disent, "il est vrai que pendant les quelques trois mois qu'a duré l'opération, Mayotte a vécu un peu de répit, le calme semblait revenu et tout le monde espérait que ce calme allait durer, il y avait des raisons d'y croire puisque de nombreux chefs de bandes avaient été interpellés".
"Certes la population se disait que tout n'était pas réglé, mais que ce déploiement de moyens inégalés sur notre département allait permettre d'inverser la tendance et de commencer à s'attaquer de manière concrète aux maux qui rongent Mayotte", poursuivent nos confrères journalistes.
"Oui nous y avons cru, d'autres ont voulu y croire ; mais force est de constater que la solution n'est pas celle-là, puisque à peine partis les policiers d’élite, les bandes mafieuses, celles-là même qui auraient été par les arrestations, se coordonnent pour lancer des assauts contre la population de manière simultanée."
#Wuambushu n'a rien du miracle sécuritaire auquel certains ont voulu croire. Les bandes sont toujours là, le terreau sur lesquelles elles prospèrent n'a pas disparu miraculeusement. Le volet sécuritaire n'est qu'une partie de la réponse... https://t.co/7FGLhay3pc
— Maxette Pirbakas (@MaxettePirbakas) July 10, 2023
La solution aux "maux de Mayotte", n'est donc vraisemblablement pas celle apportée par le ministère de l'Intérieur, quoiqu'il puisse en dire. Les arrestations et les décasages ne suffisent plus. Quand Monsieur Darmanin ose dire que "les résultats sont là", ce n'est pas le sentiment de la majorité des habitants de l'île.
Ce que veut Mayotte, c'est que l'État prenne à bras le cops la question de l'immigration massive, des violences, de l'éducation des plus jeunes…
À l'État d'agir autrement et d'entendre ce qu'on à dire les mahorais. Des mahorais qui pour l'heure sont sceptiques quant à une "vraie politique" pour leur île.
Et même si le ministre a annoncé la poursuite de l'opération avec "une nouvelle formule" en septembre, pas sûr que cela change grand-chose... à voir.
ma.m/www.imazpress.com/[email protected]
Courage aux mahorais face à ces délinquants.