Le 25 novembre rappelle chaque année l’ampleur d’une violence qui touche un tiers des femmes dans le monde et demeure particulièrement prégnante à La Réunion. Entre constats de l’ONU, chiffres alarmants et initiatives locales, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est plus que jamais une priorité (Photo : rb/www.imazpress.com)
Près de 840 millions de femmes dans le monde – soit presque une sur trois – ont subi des violences conjugales ou sexuelles au cours de leur vie. Les deux rapports publiés par l’ONU le 19 novembre 2025 dressent un constat glaçant : malgré vingt ans de mobilisation internationale, les chiffres n’ont presque pas bougé, avec une baisse annuelle estimée à seulement 0,2 %.
Pour les femmes de plus de 15 ans, 11 % ont été victimes de violences de la part de leur partenaire au cours des douze derniers mois. Hors couple, 9 % disent avoir subi des violences sexuelles depuis leurs 15 ans, des données probablement sous-estimées en raison de la peur, du tabou et de la stigmatisation.
Les adolescentes sont massivement touchées : 16 % des jeunes femmes âgées de 16 à 19 ans dans le monde ont déjà subi une violence sexuelle. Les pays en conflit, les zones vulnérables au changement climatique ou les régions les moins développées enregistrent des taux bien supérieurs, comme l’Océanie (hors Australie et Nouvelle-Zélande), trois fois plus touchée que la moyenne mondiale.
"La violence à l’égard des femmes est l’une des injustices les plus anciennes et les plus répandues de l’humanité, et pourtant l’une des moins combattues", rappelle le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. "Aucune société ne peut se prétendre juste, sûre ou saine tant que la moitié de sa population vit dans la peur."
Le financement international demeure dramatiquement insuffisant : en 2022, seulement 0,2 % de l’aide mondiale au développement a été allouée à la prévention des violences faites aux femmes.
- La violence numérique explose, portée par l’IA et l’anonymat -
Un second rapport d’ONU Femmes dévoilé la veille met en lumière une autre menace en forte expansion : la violence numérique. Harcèlement, traque en ligne, diffusion d’images privées, deepfakes, désinformation… Ces violences touchent toutes les sphères d’Internet et visent particulièrement les femmes journalistes, dirigeantes et élues. Une femme journaliste sur quatre dit avoir reçu en ligne des menaces physiques ou de mort.
Moins de 40 % des pays disposent de lois protégeant les victimes contre le harcèlement ou la traque en ligne. Cela laisse 1,8 milliard de personnes sans aucune protection juridique. "Ce qui commence en ligne ne reste pas en ligne", alerte Sima Bahous, directrice exécutive d’ONU Femmes. "Les violences numériques se prolongent dans la vie réelle et peuvent mener jusqu’aux féminicides."
- La Réunion parmi les départements les plus touchés de France -
Le ministère de l’Intérieur publiait le 23 octobre 2025 les chiffres 2024 des violences conjugales : 272.400 victimes enregistrées en France, dont 84 % de femmes. À La Réunion, le taux rapporté à la population reste l’un des plus élevés du pays, aux côtés du Pas-de-Calais, du Nord, de la Somme et de la Seine-Saint-Denis. Dans le détail : 64 % des victimes ont subi des violences physiques, 31 % des violences verbales ou psychologiques, 5 % des violences sexuelles.
Les auteurs sont dans 85 % des cas des hommes. La part de victimes évoquant des violences antérieures – parfois anciennes – reste particulièrement élevée, à 30 %. Entre 2016 et 2023, le nombre de victimes enregistrées a doublé, en lien avec une libération relative de la parole et une amélioration de l’accueil par les forces de l’ordre.
- Une mobilisation forte dans les établissements scolaires de l’île -
À l’occasion de la journée du 25 novembre, l’académie de La Réunion déploie une multitude d’actions éducatives, de prévention et de sensibilisation. Référents égalité, enseignants, associations locales et élèves travaillent tout au long de l’année à déconstruire les stéréotypes et prévenir les violences sexistes et sexuelles. La journée du 25 est un moment phare.
Exemples d’actions prévues ce mardi :
• Collège Bourbon (Saint-Denis) : débats, mur des engagements, activités Vrai/Faux
• Collège Chemin Morin (Saint-André) : « dress code » orange ou violet, ateliers Cevif
• Lycée Mahatma Gandhi : interventions de plusieurs associations, post-it de parole, battle de danse
• Lycée Sarda Garriga : diffusion de documentaires, mise à disposition de violentomètres
• Lycée Ambroise Vollard : exposition photo, participation à une audience au tribunal judiciaire de Saint-Pierre, interventions de professionnels et du major référent VIF
• Lycée François de Mahy : ateliers-débats, projections, défilé, actions autour des relations amoureuses
• Lycée Léon de Lépervanche : Orange Day, ateliers santé mentale, théâtre, expositions
• Collège de l’Étang : affichages, création d’un décor avec les Ambassadeurs de l’Égalité
La mobilisation s’étend toute la semaine dans d’autres établissements, avec théâtre forum, ateliers Chancégal ou journées de sensibilisation.
- Un outil inédit : un film projeté en ouverture des audiences VIF à Saint-Denis -
À Saint-Denis, la justice innove. Face à l’explosion des violences intrafamiliales, le tribunal judiciaire de Saint-Denis projette depuis septembre 2025 un film de sept minutes en créole en ouverture des audiences spécialisées. Réalisé par Sabrina Hoarau sous la direction de la présidente Emmanuelle Wacongne, ce court-métrage met en scène un homme jugé pour le meurtre de sa compagne enceinte, et aborde les mécanismes d’emprise, la reproduction des violences et les traumatismes familiaux.
L’objectif : provoquer une prise de conscience, toucher directement les auteurs et ouvrir un espace de parole plus authentique. Le film sera également utilisé par le SPIP, la prison de Domenjod et les associations d’aide aux victimes. Un préquel consacré aux violences psychologiques et à leur escalade est déjà à l’étude.
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Si vous êtes victimes de violences conjugales, vous pouvez contacter le 3919, le numéro national de référence d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violences. Des conseillers sont disponibles 24h/24. La Réunion est le quatrième département français en matière de violences intrafamiliales.
En cas d'urgence, le seul numéro à composer est celui de Police Secours.
Le 112, numéro d'urgence européen
Le 114 pour les personnes sourdes, malentendantes, aphasiques, dysphasiques
Le 115 pour la mise à l'abri pour un hébergement d'urgence
Le 15 pour les urgences médicales, ou le 18
Le 119 pour les enfants en danger
Le 08 019 019 11 pour les auteurs de violences conjugales
Vous pouvez signaler des faits de violences intrafamiliales en ligne, directement auprès du commissariat ou de la gendarmerie la plus proche sur le www.servicepublic.fr/cmi Anonyme et gratuit, ce tchat est accessible 24h/24 et 7j/7 pour échanger avec des policiers ou des gendarmes spécialement formés aux violences sexistes et sexuelles.
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