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Fin annoncée du droit du sol à Mayotte : une polémique et des incertitudes

  • Publié le 14 février 2024 à 16:14
mayotte

La nationalité française s'obtient par naturalisation, par droit de sang, en ayant au moins un parent français ou par droit du sol, en étant né sur le territoire français. C'est cette règle que Gérald Darmanin a annoncé, ce dimanche 11 février 2024, vouloir durcir, voire même supprimer, pour lutter contre l'immigration clandestine. Le projet fait polémique au sein des états-majors politiques et questionne… Si la mesure est mise en place - après un long délai nécessaire à une révision constitutionnelle -, cela changerait-il réellement la vie des Mahorais ? Surtout, n'est-ce pas ouvrir une boite de Pandore qu'il sera ensuite impossible de refermer... avec toutes les conséquences que cela suppose ? (Photo : rb/www.imazpress.com)

Selon un sondage mené par le CSA, pour Europe 1, CNews et "Le Journal du dimanche", 73% des Français sont favorables à la suppression du droit du sol à Mayotte.

65% des sondés se disent également en faveur d'une suppression de ce même droit sur l'ensemble du territoire frnaçais.

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- Le "droit du sol", c'est quoi ? -

Mais qu'est-ce que ce droit du sol et en quoi consiste sa "fin" annoncée par le gouvernement ? Le droit du sol permet à un enfant né dans le pays d'obtenir automatiquement la nationalité française même si ses parents sont étrangers en situation régulière ou pas.

Depuis 2018, la règle était adaptée à Mayotte. Pour qu'un enfant né sur l'île devienne Français, il faut que l'un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en France depuis au moins trois mois.

Selon ce que souhaite le gouvernement, "il ne sera plus possible de devenir Français si on n'est pas soi-même enfant de parent français". "Une mesure extrêmement forte, nette, radicale, qui évidemment sera circonscrite à l'archipel de Mayotte", a commenté Gérald Darmanin lors de son passage à Mayotte.

Mais pour supprimer le droit du sol, il faut réviser la Constitution.

Selon la procédure en vigueur, cette révision de la Constitution se faisant à l'initiative du Président de la Répubique, celui-ci doit d'abord présenter un projet de révision devant le Parlement.

Le texte sera déposé "avant l'été" 2024, a indiqué Gérald Darmanin. Si le délai est tenu, le texte devra être voté à la majorité en termes strictement identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat.

Au cours de cette procédure, chaque assemblée peut bloquer la révision.

Si députés et sénateurs votent majoritairement le projet de révision, le chef de l'État peut soit le soumettre aux Français par au référendum, soit saisir le Parlement, convoqué en Congrès.

Si cette option et retenue, une majorité des 3/5eme du Congrès est requise pour valider la réforme, soit 555 voix si les 925 parlementaires votent tous pour ou contre, seuls les suffrages exprimés étant pris en compte.

Cette révison de la Constitution et le durcissement des règles régissant le regroupement familial, le nombre de titres de séjours émis à Mayotte diminuerait de 90%, a affirmé l'entourage du ministre de l'Intérieur.

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- Une nouvelle loi pour Mayotte... mais qu'est-ce que ça changerait ? -

Si cette révision constitutionnelle voit un jour le jour, changera-t-elle vraiment la vie des Mahorais ?

"L'abolition du droit du sol est vitale pour nous" tranche Estelle Youssouffa, la députée LIOT de Mayotte

Amina Djoumoi du collectif Ré-MaA (Résistance pour Mayotte) abonde dans le même sens. "Oui c'est utile. Cela contribuera à freiner les naissances des "bébés papiers". Comme on dit mieux vaut tard que jamais, même si c'est tard, quelque chose va être fait. Nous avons l'espoir que cela change les choses pour nos enfants alors que si rien n'est fait la situation va empirer" commente-t-elle.

Pour Mohamed Elanrif, "des actions efficaces contre l’insécurité et contre l’immigration illégale, la fin du séjour territorialisé sont les revendications légitimes portées par toute la population de Mayotte. La suppression du droit du sol est une réponse ferme et radicale apportée par le ministre Darmanin après plusieurs semaines de mobilisation générale. Elle contribuera à apporter du changement si elle est accompagnée d’autres actes réels et fermes : suppression du séjour territorialisé, rideau de fer en mer, moyens nécessaires pour garantir le contrôle de nos frontières avant l’entrée des embarcations dans les eaux territoriales de Mayotte, conformément aux annonces faites".

"Dans l’immédiat, ce sont les mesures qui ne nécessitent pas une procédure législative complexe qui doivent être privilégiées", ajoute-t-il. "Nous pensons notamment aux moyens qu’on appelle forces de souveraineté qui assureront le contrôle des frontières maritimes de Mayotte et des quatre Iles Eparses du Canal de Mozambique comme ceux qui sont basés à La Réunion." Car pour les mahorais "l’action de l’Etat en Mer est aujourd’hui inexistante. La preuve en est que, pendant que Darmanin est sur le territoire, des embarcations de fortunes surchargées continuent à accoster sur les plages de Mayotte des enfants, des femmes, …. Et sans qu’on entende les boucans de certaines associations humanitaires et des politiques".

En 2022, selon le ministère de l'Intérieur, 44% des enfants nés à Mayotte avaient deux parents étrangers et 38% au moins un parent français.

Le ministre de l'Intérieur a aussi annoncé la mise en place de l'opération Wuambushu 2. Fortement controversé, la première phase de cette action de "reprise en main" de l'archipel par les forces de l'ordre n'avait pas eu les résultats esccomptés

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"Wuambushu 2 va s'imprégner des erreurs de la première opération pour mieux faire et c'est toujours mieux que rien" veut croire Amina Djoumoi.

"De toute façon, les combats pour Mayotte sont nombreux que ce soit pour le rattrapage économique et social, en matière de lutte contre l'immigration clandestine et de l'insécurité qu'elle engendre, nous sommes déterminés à poursuivre les combats. La situation ne peut plus continuer, c'est invivable" souligne-t-elle.

"Donc on applaudit les annonces (de Gérald Darmanin - ndlr). Elles recoupent nos revendications, on veillera à ce que les annonces se concrétisent car le droit du sol, tel qu'il est excercé actuellement est un véritable appel d'air (pour les étrangers sans papier - ndlr), nous n'en voulons plus", soutient Amina Djoumoi.

Depuis plusieurs semaines, l’île est paralysée par des barrages routiers installés par des collectifs citoyens protestant contre l’insécurité et l’immigration.

Les Mahorais restent mobilisés malgré les annonces du minisitre de l'Intérieur. Ils attendent un document signé par le Président de la République. Ils demandent que ce document officialise les différentes annonces et fixe un échéancier. Sans ce document, qui devrait être transmis dans la soirée de mardi, les barrages resteront en place.

- "On attend de voir" -

Certains à Mayotte ne se font guère d'illusion. Nicolas Fontaine, Réunionnais installé dans l'archipel depuis 15 ans disait récemment à Imaz Press : "C'est trop tard. On attend de voir si les annonces sont du concret, mais à mon avis, il fallait traiter le problème bien avant".

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"Mayotte est une passoire alors comment on n'arrive pas à gérer la frontière en étant une des plus grandes puissances maritimes du monde", poursuit Nicolas Fontaine. "Si on veut bloquer l'immigration on va à la source, on les empêche d'arriver" dit-il encore.

Gérald Darmanin se dit certain que la fin du droit du sol réduirait l’attractivité de l'archipel. Aude Robert, secrétaire départementale de Unité SGP Police Réunion, est prudente. "Immédiatement cela ne va rien changer. Il y a déjà une spécificité sur le droit de sol pour Mayotte depuis 2018 et cela n'a finalement rien changé concernant l'immigration clandestine" note la syndicaliste.

"Oui notre ministre souhaite changer la loi, mais pour cela il faudra obtenir une majorité sur la question et changer la Constitution ce qui est loin d’être gagné, la question divise déjà la classe politique" constate Cédric Boyer, délégué national Drom Com d'Alliance Police nationale.

- Dommages collatéraux à La Réunion -

"Si la loi finie par être promulguée, on est en droit de s’interroger sur les dommages collatéraux que cela pourrait engendrer pour La Réunion où le droit du sol lui sera maintenu", se questionne aussi le syndicaliste.

"Quand on voit qu’il y a de plus en plus de bateaux venant du Sri Lanka on peut légitimement s’interroger sur le fait que ceux qui ne peuvent plus obtenir la nationalité à Mayotte seraient fortement tentés de venir à La Réunion", poursuit-il.

"Et si une telle chose devait arriver, il y aura forcément un impact sur la sécurité et bien d’autres effets que peuvent avoir l’immigration clandestine sur un territoire" craint Cédric Boyer.

Le syndicaliste estime ensuite que pour lutter contre l'insécurité à Mayotte, "il faudrait dans un premier temps envoyer des renforts massifs et pérennes pour rétablir l’ordre, faire en sorte que la population mahoraise se sente en sécurité dans les rues et que les blocages cessent".

"Nous pensons qu’il faudrait créer une unité d’intervention spécialisée dans les violences urbaines en milieu très hostile. On pourrait alors grâce à ces renforts interpeller les têtes de réseaux de ces gangs qui terrorisent Mayotte", remarque le syndicaliste.

"La sécurité en outre-mer, d’une manière générale, est un vaste chantier qui attend notre gouvernement et qui va demander énormément de travail à notre ministre de l’Intérieur", dit-il encore.

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- Une grande polémique -

Si l'annonce de la suppression du droit du sol a été applaudie par la droite et l'extrême droite, elle indigne les élus de la gauche qui dénoncent la remise en cause d'un des fondements de la République : "l'égalité".

Pour le PLR, "cela constitue un recul sans précédent en matière de protection des droits humains et marque un tournant dangereux dans l'histoire politique française".

Selon la section régionale du Syndicat de la magistrature appelle ainsi à une harmonisation du droit, seule à même d’assurer l’égalité, au déploiement de moyens pour qu’existe une prise en charge sociale, sanitaire et éducative de la population mahoraise, y compris de sa part la plus vulnérable, à la hauteur de ce qui est mis en place sur le reste du territoire de la République.

Le président de la Ligue des droits de l'Homme a dénoncé une annonce "extrêmement dangereuse". À La Réunion, "nous considérons que le droit du sol fait partie de notre patrimoine national. C'est une mesure d'intégration qui permet à des jeunes qui sont nés et ont grandi sur le sol national et sont destinés à y rester, de devenir français", souligne Jean-François Rivolo, président de la LDH Réunion.

"Nous craignons qu'une telle mesure, contraire à notre tradition républicaine, ne soit par ailleurs inefficace. Les migrants, venant notamment des anciens pays colonisés par l'Europe, ne viennent pas d'abord pour des papiers, mais pour fuir la misère, l'arbitraire ou la guerre", poursuit-il.

"Pour nous Réunionnais, qui sommes tous arrivés d'ailleurs par nos ascendants, nous sommes tous ici des "immigrés", il nous faut assurément ne pas céder à l'idéologie de la haine et marquer notre solidarité aussi bienaux mahorais qu'aux migrants.", note Jean-François Rivolo.

- "La République est une et indivisible"-

Et pour cause: la Constitution spécifie dans son article premier que "la République est une et indivisible", rendant très compliqué de distinguer d'un territoire à l'autre l'accès à la nationalité française.

La Constitution prévoit certes bien dans son article 73, que dans les départements ultramarins, les lois "peuvent faire l'objet d'adaptations" tenant à leurs "caractéristiques et contraintes particulières". Mais ces règles "ne peuvent porter sur la nationalité", ajoute l'article.

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La séquence politique qui s'ouvre donc risque d'être complexe, comme l'a souligné Estelle Youssouffa au sortir de la réunion de préparation des accords de Mamoudzou. "Mayotte ne deviendra que le prétexte à des stratégies politiciennes qui concernent l'Hexagone, car la question migratoire en métropole devient aussi un sujet épineux."

D’autres territoires pourraient demander eux aussi la remise en cause leur droit du sol. Encore faudrait-il que la réforme constitutionnelle devienne réalité.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Missouk
Missouk
1 an

Une hérésie... Mayotte est un département français. A ce titre, tous les textes de lois s'appliquant en France s'applique aussi à Mayotte : y compris le droit du sol! Le supprimer en tripatouillant la Constitution ce serait faire un énorme appel du pied au RN et à Reconquête, et ... prendre le risque de se faire alpaguer par le Conseil Constitutionnel