La possible taxe sur les alcools forts divisent politiciens et professionnels de santé

  • PubliĂ© le 19 dĂ©cembre 2025 Ă  11:48
  • ActualisĂ© le 19 dĂ©cembre 2025 Ă  12:09
alcool

L'amendement porté par le sénateur Stéphane Fouassin qui instaurerait une nouvelle taxation sur les alcools forts créé la discorde depuis plusieurs jours. Entre désir de protection de la filiÚre locale du rhum, et promotion de la santé publique, les avis divergent et divisent (Photo : www.imazpress.com)

Le projet de loi de finances 2026 n'en finit plus de diviser. Cette fois-ci, c'est un amendement visant la fiscalité des alcools forts qui provoquent une levée de bouclier. 

"Cette mesure inquiĂšte fortement la filiĂšre industrielle du rhum Ă  La RĂ©union, qui s’inscrit depuis deux siĂšcles dans le paysage Ă©conomique local, gĂ©nĂšre des emplois, crĂ©e de la valeur ajoutĂ©e pour le territoire et bĂ©nĂ©ficie, grĂące Ă  l’export et au spiritourisme, d’un rayonnement international notable", ont alertĂ© les principaux acteurs de la filiĂšre rhum, rĂ©uni sous le nom "La RĂ©union des Rhums". 

DerriĂšre ce dispositif technique "se profile une dĂ©cision aux consĂ©quences importantes : l’instauration d’une majoration locale de fiscalitĂ© sur certains alcools, touchant principalement le rhum", ont-ils soulignĂ©. 

Or, "il s’agit d’un produit emblĂ©matique du territoire, Ă©laborĂ© et valorisĂ© par une filiĂšre industrielle et des TPE-PME locales qui font vivre des centaines de familles".

- La Région contre une nouvelle taxation sur les alcools forts -

Depuis, la présidente de Région Huguette Bello et la sénatrice Evelyne CorbiÚre Naminzo se sont positionnées en faveur du retrait de cet amendement, qui n'a pour l'heure pas été voté. 

Cet amendement "instaurerait une nouvelle taxation, au profit du DĂ©partement, qui pourrait atteindre 1615,72 euros par hectolitre d’alcool pur, soit une hausse de 1.200% par rapport Ă  la fiscalitĂ© actuellement appliquĂ©e et une surtaxe potentielle de prĂšs de 8 euros par bouteille d’un litre", a pointĂ© Huguette Bello.

"Sous couvert, louable, de lutte contre l’alcoolisme, il laisse intacte la question des autres alcools importĂ©s (whisky, vins, biĂšres...) qui sont pourtant de loin les plus consommĂ©s par les RĂ©unionnais", a-t-elle dĂ©noncĂ©. 

Pour la RĂ©gion, cette hausse de la fiscalitĂ©, "dĂ©cidĂ©e sans aucune concertation avec les acteurs de la filiĂšre, fragiliserait fortement des entreprises rĂ©unionnaises qui crĂ©ent des emplois (1.200 emplois directs Ă  ce jour) et valorisent un savoir-faire reconnu Ă  l’international, sans aucun bĂ©nĂ©fice sanitaire dĂ©montrĂ©". 

"L’augmentation inĂ©vitable du prix du rhum produit localement entraĂźnerait, Ă  La RĂ©union, des pertes de parts de marchĂ© au profit des alcools importĂ©s et aurait Ă©galement des rĂ©percussions sur la capacitĂ© de la filiĂšre Ă  exporter ses produits, notamment dans l’Hexagone", a-t-elle estimĂ©. 

MĂȘme son de cloche du cĂŽtĂ© d'Evelyne CorbiĂšre Naminzo : "l'effet sanitaire supposĂ©ment bĂ©nĂ©fique de cet amendement est trĂšs loin d’ĂȘtre dĂ©montrĂ©, puisqu’il concerne la filiĂšre "rhums" locale, sans s’attaquer aux autres alcools importĂ©s. 

Si cet amendement "ne permettra pas de lutter sĂ©rieusement contre l’alcoolisme", il aura "en revanche des consĂ©quences dramatiques sur une filiĂšre dĂ©jĂ  trĂšs fragilisĂ©e". 

- Le docteur David Mété dénonce la position de la Région -

Un argumentaire qui a courroucé le docteur David Mété, chef du service addictologie du CHU de La Réunion, qui dénonce depuis plusieurs années le manque d'encadrement autour de la filiÚre rhum. 

"La tribune de la présidente de Région est une navrante suite de contre-vérités, manifestement rédigée sous la dictée de nos industriels rhumiers péï. Elle méconnaßt les notions les plus élémentaires de santé publique", fustige-t-il ce vendredi. 

La fiscalitĂ© actuelle sur les rhums et leurs dĂ©rivĂ©s, "c’est un niveau dĂ©risoire de 38,11 euros l’hectolitre d’alcool pur contre 1 899,5 euros pour l’Hexagone, soit tout de mĂȘme prĂšs de 50 fois moins !", dĂ©nonce-t-il. 

Il rappelle que "l’organisation mondiale de la santĂ© (OMS) nous prĂ©cise que la fiscalitĂ© sur l’alcool est le meilleur outil de lutte contre l’alcoolisme". Pour le docteur David MĂ©tĂ©, "l’adoption de l’amendement du Dr StĂ©phane Fouassin permettrait, en utilisant une projection des Ă©tudes internationales, de sauver prĂšs de 50 vies par an". 

"N’en dĂ©plaise Ă  madame Bello, on consomme deux fois plus d’alcools forts ici et ces alcools forts sont majoritairement des produits locaux issus de la canne, vendus Ă  bas prix grĂące Ă  une fiscalitĂ© complaisante et trĂšs largement diffusĂ©s grĂące Ă  un extraordinaire rĂ©seau de distribution", lance l'addictologue. 

"Ce n’est pas une chance d’avoir la dose d’alcool la moins chĂšre de France pour La RĂ©union avec les autres DROM : c’est une inĂ©galitĂ© majeure de santĂ© publique."

- 250 décÚs directs et 450 indirects à cause de l'alcool chaque année à La Réunion -

Ce dĂ©bat intervient alors que l'alcoolisme Ă  La RĂ©union tue en moyenne 250 personnes chaque annĂ©e. "On estime Ă  250 le nombre de dĂ©cĂšs par an liĂ©s directement Ă  l’alcool (cause directe) et plus de 450 dĂ©cĂšs au moins en partie imputables Ă  l’alcool", indiquait l'Agence rĂ©gionale de santĂ© (ARS) en juin dernier. 

Si le dĂ©partement est derriĂšre l'Hexagone en termes de consommation quotidienne d'alcool, 10 % des buveurs consomment 69 % des quantitĂ©s d’alcool bues Ă  La RĂ©union. Les gros buveurs peuvent consommer jusqu'Ă  16 verres par jour, soit trois litres d'alcool fort. Soit une moyenne de 112 verres par semaine.

D'aprĂšs une enquĂȘte d'Alcoolisation Chronique Massive Ă  La RĂ©union (ACMA974), l'alcool le plus consommĂ© reste par ailleurs le rhum et ses dĂ©rivĂ©s pour 47% des personnes.

Lire aussi - Alcool : le Sénat adopte un amendement pour taxer les publicités à La Réunion

Pour les personnes ayant une forte dĂ©pendance Ă  l’alcool, il est conseillĂ© d’en parler Ă  son mĂ©decin et d’aller consulter des professionnels spĂ©cialisĂ©s en addictologie : CSAPA (centre de soins ambulatoires en addictologie) ou services d’addictologie des Ă©tablissements de santĂ©. 

La direction d'Addictions France RĂ©union accueille les personnes sur son centre de prĂ©vention et de formation sur les addictions, ainsi que sur ses centres de soins en addictologie repartis sur l’ensemble de l’üle. Toute personne peut se faire accompagner de maniĂšre anonyme et totalement gratuite. Renseignements Ă  la direction d’Addictions France au : 02 62 30 22 93 ou sur le site de l’association nationale : https://addictions-france.org/

Pour faire le point sur sa consommation d’alcool, s’informer ou ĂȘtre aidĂ©, RDV sur le site "Alcool-info-service".

Lire aussi - Alcool :  la consommation diminue chez les jeunes, mais "les efforts doivent continuer"

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2 Commentaires
Missouk
Missouk
14 minutes

P0lutĂŽt d'accord avec le docteur MĂ©tĂ©, malgrĂ© quelques excĂšs verbaux. Il faut bien commencer par un bout, l'alcoolisme est un vrai flĂ©au! Et effectivement, taxer fait baisser la consommation... Ce qui ne m'empĂȘchera nullement de me confectionner mes rhums arrangĂ©s pĂ©i!

SystĂšme
SystĂšme
22 minutes

700 morts par an et les alcooliers parle eux de1200 emplois sur plusieurs annĂ©es .le fric avant la vie. Le Dr MĂ©tĂ© ( un des rares qui mĂ©rite sa lĂ©gion d’honneur) est muselĂ© par les politiques prĂȘt Ă  tout pour sauver leurs tĂȘtes . L’augmentation du prix du tabac a permis de faire reculer le tabagisme chez les jeunes